Nouveau centre de profit

Depuis jeudi, une page de La Poste a été tournée: d’établissement de droit public, elle est devenue une société anonyme (SA) de droit public. Et PostFinance devient carrément une SA de droit privé. Il s’agit à la fois de l’aboutissement d’un long processus commencé en 1998, avec la scission des PTT, et du début d’une nouvelle ère.Dont on peut douter qu’elle annonce des lendemains rieurs. Contrairement à la langue de bois technocratique qui nous été servie mardi dernier. Il s’agissait certes de saluer cette entrée dans la modernité et le droit pour l’ex-régie publique d’aller batifoler dans la cour des grands, à savoir devenir une banque.
Le personnel a du souci à se faire pour ses conditions de travail. Il passe ainsi du régime de la Loi sur le personnel de la Confédération – déjà pas fameux – à celui du Code des obligations et d’une CCT qui doit encore être négociée. La nouvelle patronne de La Poste Suzanne Ruoff – payée 1,059 million de francs par an! – a ainsi annoncé, doux euphémisme, qu’«une réduction de postes n’est pas exclue». Réaction de Syndicom : «Cela revient à lancer un mauvais signal au mauvais moment, Madame Ruoff». On a dû trembler en haut lieu devant tant de volontarisme syndical.
Le processus de restructuration qui a vu le réseau postal fondre va se poursuivre: aujourd’hui des épiceries servent aussi de mini-guichets. Mais ces commerces de proximité peinent à survivre face à la concurrence des supermarchés… Au-delà des conditions de travail, qui concernent tout de même 60 000 personnes, c’est aussi l’usager qui va trinquer. Il suffit de regarder les «bienfaits» de la rationalisation chez nos voisins français. Des tournées de plus en plus grandes, au point que dans certaines régions, les facteurs sont obligés d’arpenter le périmètre élargi qui leur est imposé sur deux jours consécutifs.
Des prémices de comportements similaires se font déjà sentir en Suisse. Qui n’a pas eu la surprise de trouver un avis l’invitant à se rendre au prochain bureau pour aller retirer un paquet ou un recommandé, alors qu’il était bel et bien à la maison? On ne parle même pas des vélléités de rançonner la presse en augmentant les tarifs postaux, le tout dans une opacité certaine.
En laissant les coudées franches au géant jaune, le Conseil fédéral pousse ce dernier à se lancer dans des aventures européennes. La Poste est déjà alliée à son homologue français (via La Poste Global Mail et Swiss Post International). Parions que cela ne va améliorer ni les prestations, ni les salaires mais bien plus pousser à la sous-traitance et au dumping salarial afin de dégager des marges confortables à même d’intéresser des investisseurs privés.

Le Courrier, Philippe Bach, 29.6.2013

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