Le paquet empoisonné de Berset, on n’en veut pas !

RETRAITES – «Le conseiller fédéral Alain Berset et ses idées en matière de réforme des retraites vont dans la bonne direction.» C’est le constat de la NZZ, qui résume bien l’opinion des milieux économiques qui ont accueilli positivement le plan Berset, alors que «l’opposition vient de la gauche». (1)

Une opposition qui ne sera pas facile à porter, car, cela s’est déjà vu par le passé, ce sont malheureusement souvent des conseillers fédéraux, présidents ou ministres socialistes qui finissent par imposer les réformes les plus dures pour les salarié-e-s. Un premier sondage (2) publié quelques jours après l’annonce, mais effectué avant, laisse ainsi planer l’idée qu’une majorité considèrent la réforme nécessaire. Toutefois, il n’y a que 8% des sondé-e-s qui accepteraient une baisse des rentes! Si les enjeux ressortent clairement, les chances de gagner, comme en 2004 contre la 11e révision de l’AVS et 2010 contre la baisse du taux de conversion, sont réelles. Mais pour cela, il est nécessaire de se mobiliser rapidement. La manifestation
du 21 septembre prochain, appelée par l’USS, est une première occasion.
Les mesures présentées et approuvées par le Conseil fédéral ne sont pas une surprise, elles confirment les grandes lignes présentées à la fin de l’année passée (3). L’idée de départ est la même: faire peur en faisant croire que les finances de l’AVS sont en danger et présenter les mesures comme nécessaires pour sauver nos retraites. Or, année après année, les finances de l’AVS restent saines. Les recettes ont augmenté de 30% entre 2008 et 2012 (+9,2 milliards de francs) alors que les dépenses n’ont augmenté que de 15% (+ 4,9 milliards).

Une contre-réforme d’ensemble
Le projet lie le 1er et 2e pilier. Sur le principe on pourrait trouver cela plutôt intéressant. Mais en réalité, cette contre-réforme vise à consolider le 2e pilier au détriment du 1er. Les caisses de pensions l’ont bien compris et «saluent» le projet (4), alors que la NZZ explique qu’«avec des périodes de cotisation plus longues, le ministre du social se préoccupe de rendre possible l’injection de davantage de capital dans le 2e pilier» (5). Un 2e pilier qui cumule actuellement une fortune de 750 milliards de francs et qui constitue un immense business. D’après Temps présent (6), chaque année, 5,7 milliards
de francs sont soustraits aux assuré-e-s sous formes de bénéfices et de frais de gestion qui restent aux mains des caisses, des assureurs et des banques!
Alain Berset fait ainsi le jeu des milieux économiques et de la droite tout en faisant du marketing pour un «projet socialement équilibré» et laisse
croire qu’il n’y aura ni baisse des rentes ni augmentation de l’âge de la retraite.

1,4 milliard d’économie sur le dos des femmes
Or, l’âge de la retraite des femmes passera bien de 64 à 65 ans. En francs, cela équivaut à un «allègement» du budget 2030 de 1 milliard de francs! Et
la suppression/réduction de la rente de veuve permettra d’économiser 400 millions de francs par année (7).
Pour faire passer la pilule, M. Berset promet que les personnes avec de faibles revenus, ayant commencé à cotiser dès l’âge de 18 ans et ayant une espérance de vie moindre bénéficieraient d’un taux de réduction moindre lors d’un départ à la retraite anticipée, soit une réduction de leur rente échelonnée entre 0% et 10,7% (la réduction standard étant de 6,5% par année d’anticipation). Le document du Département fédéral de l’intérieur ne donne aucune estimation sur le nombre de personnes concernées, si ce n’est que ce serait à trois quarts des femmes.
Mais les cinq critères cumulatifs auxquels il faudra répondre pour être pris en considération ainsi que le faible montant alloué (380 à 520 millions de francs selon le modèle retenu) laissent présager qu’il s’agira d’un petit nombre.
Par ailleurs, M. Berset propose des mesures pour faciliter l’entrée dans le 2e pilier des personnes, essentiellement des femmes, qui ont des petits
revenus et/ou des temps partiel. Or, cette ouverture ne peut en aucune mesure être considérée comme une compensation à une péjoration des conditions dans l’AVS. De plus, il faudra évaluer les avantages réels pour les femmes alors que le 2e pilier est fragilisé et les rentes se réduisent comme peau de chagrin. Mieux vaudrait miser sur une augmentation des rentes du 1er pilier comme le propose l’initiative AVSplus.
Globalement, les contreparties sont des susucres pour couper l’herbe sous les pieds à l’opposition des femmes, qui a été forte en 2004 lors du refus de la 11e révision de l’AVS.

Travailler plus longtemps
Au-delà de l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes, le projet prévoit de supprimer l’âge fixe et de le remplacer par un âge de référence avec une flexibilité vers le haut jusqu’à 70 ans et vers le bas jusqu’à 62. Tout départ anticipé aura pour conséquence une baisse de la rente basée sur les principes actuariels. Autant dire un luxe!
L’âge minimal permettant de partir à la retraite dans le cadre du 2e pilier serait lui fixé non plus à 58 mais à 62 ans avec obligation de cotiser jusqu’à cet âge.
Ces modifications visent à allonger la vie au travail. Pourtant, M. Berset est obligé de reconnaître que «le marché du travail n’offre pas des conditions garantissant qu’il y ait un emploi pour les plus de 65 ans», 71% des patrons étant opposés à une augmentation de l’âge de la retraite au-delà de 65 ans.

Baisser le taux de conversion et les rentes
La réduction du taux de conversion de 6,8% à 6% équivaudrait à une baisse des rentes de 12%! Comment donc promettre le maintien des rentes? Par l’augmentation des cotisations (8) – un tabou dans l’AVS, mais une idée que tout le monde approuve dans le 2e pilier. Et pour cause. Verser des cotisations en plus dans le 2e pilier – les estimations officielles parlent de 2,8 milliards de francs – c’est contribuer au gâteau du 2e pilier et, comme le souligne le document présenté par M. Berset: «Si au lieu du taux de conversion actuel (réglementaire) elles (NDR: les caisses) appliquent un taux de 6,0%, leur besoins de capital de couverture pour financer les rentes vieillesse futures se réduira de quelque 2 milliards de francs à l’horizon 2030. La stabilité du 2e pilier s’en trouvera renforcée.»9 Une belle affaire pour le business du 2e pilier. Et une belle escroquerie pour les salarié-e-s!

Mécanisme d’intervention dans l’AVS et TVA
Au premier abord technique, le mécanisme d’intervention dans l’AVS est de fait très politique. Il s’agirait d’introduire des dispositions légales obligeant le Conseil fédéral à présenter des mesures dites d’assainissement, voire à relever le taux de cotisations AVS et à réduire ou supprimer la compensation au renchérissement pour les retraité-e-s. Son but est de museler le débat démocratique sur l’AVS, en introduisant des mécanismes obligatoires qui échappent au débat parlementaire et évidemment à toute possibilité d’intervention populaire.
Enfin, le plan Berset prévoit de réduire de moitié l’apport de la Confédération à l’AVS: actuellement, la Confédération participe par un taux d’environ 20% aux recettes de l’AVS.
L’idée est de réduire cette participation, calculée en fonction des dépenses, à 10% et de lier le reste de la participation à l’évolution de la TVA. D’après les calculs officiels, cela représentait une perte de 550 millions de francs en 2030!
Quant à la transparence qui serait améliorée dans le 2e pilier, on nous promet de nombreuses dispositions qui se résument pour l’heure à peu de choses. Affaire à suivre.
Un gros paquet, bien empoisonné, que nous ferions mieux de réexpédier le plus rapidement possible à son auteur!

MICHELA BOVOLENTA, SECRÉTAIRE CENTRALE SSP

1
Neue Zürcher Zeitung (NZZ), 19 juin 2013.
2 Sonntagsblick, 23 juin 2013.
3 Voir nos éditions des 7 et 21 décembre 2012.
4 24 heures, 22-23 juin 2013.
5 NZZ, 19 juin 2013.
6 A voir: «Caisse de pensions: un gâteau au goût
amer», Temps présent, RTS, 23 mai 2013.
7 «Lignes directrices de la réforme Prévoyance
vieillesse 2020» à lire sur www.news.admin.ch/
NSBSubscriber/message/attachments/31105.pdf
8 L’augmentation des cotisations passerait principalement par un allongement de la période de
cotisation en début et en fin de carrière et par
l’abaissement du montant de coordination, ce qui
signifie un salaire assuré plus élevé.
9 Ibid., page 21.

Assurance invalidité et assurance chômage: deux décisions réjouissantes

AI: Réductions des rentes et autres détériorations sont stoppées
La révision 6b de l’assurance invalidité aurait débouché sur des réductions de rente des personnes gravement invalides. En outre, les rentes n’auraient plus été adaptées au renchérissement et à l’évolution des salaires. Un «mécanisme d’intervention» pernicieux aurait privé l’AI de sa marge de manœuvre financière avec, conséquences technocratiques et automatiques, des augmentations de cotisations et des réductions de rentes. La décision du Parlement de laisser tomber cette révision est donc bienvenue.

Les très gros salaires paieront vraiment un pourcent de solidarité
Les deux Chambres fédérales ont approuvé le déplafonnement du pourcent de solidarité dans l’assurance chômage. Ainsi, ce pourcent, aujourd’hui limité aux parts de salaire se situant entre 126 000 et 315 000 francs, ne connaîtra plus de limite supérieure. Cette modification, une vieille revendication de l’Union syndicale suisse (USS), apportera chaque année à l’assurance chômage environ 100 millions de francs supplémentaires. USS

Manifestation nationale de l’Union syndicale suisse
Samedi 21 septembre 2013, 13 h 30 - Berne
Protégeons les salaires et les retraites!

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