L’hôpital genevois externalise sa petite chirurgie en toute discrétion

Les Hôpitaux universitaires genevois coopèrent avec le groupe privé MV Santé sans que personne soit au courant. Le conseil d’administration demande des précisions.

C’est en catimini que la direction des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) a commencé à externaliser sa petite chirurgie de la main à un groupe privé.

Depuis six mois, des chirurgiens des HUG pratiquent dans un bloc opératoire de la clinique Champel, un établissement qui appartient au groupe MV Santé, l’«easyjet» de la chirurgie ambulatoire (lire ci-contre). But de la manœuvre: désengorger les salles d’opération de l’hôpital afin de raccourcir les délais d’attente. Or l’expérience pilote a cours dans une étrange discrétion alors qu’elle soulève des questions éthiques et managériales. «Une telle externalisation d’une prestation publique devrait s’élaborer dans la plus grande transparence», s’insurge la députée socialiste Christine Serdaly, alors que nous lui apprenons la nouvelle.
Pour le moment, le projet porte sur des interventions chirurgicales du tunnel carpien. Une quinzaine de patients auraient été traités. «Une convention de coopération a été signée début 2012 avec le groupe MV Santé», confirme le directeur général des HUG Bernard Gruson. Le principe est simple: l’hôpital fournit les médecins, alors que MV Santé offre son bloc opératoire ainsi que l’équipe anesthésiste et infirmière. «Puisque ce sont nos chirurgiens qui opèrent, la qualité des soins est garantie», souligne le directeur.
Selon lui, ce type de décision relève de l’opérationnel et n’a pas à être soumis aux administrateurs. Ce n’est pas l’avis du nouveau conseil d’administration, dont le président Michel Halpérin ignorait l’existence de ce partenariat inédit à Genève. Il a fait savoir au Courrier qu’il veillerait à exiger davantage d’informations sur ce «qui consiste tout de même à externaliser une partie de la prestation».
Selon la direction, le conseil allait de toute façon être mis au courant une fois l’évaluation du modèle établie, soit durant l’été 2013. L’idée étant de suivre, à terme, la stratégie du CHUV de Lausanne, qui a confié la gestion de son futur centre de chirurgie ambulatoire à une clinique du même groupe privé. Non sans susciter certaines inquiétudes dont Le Courrier s’était fait l’écho (notre édition du 6 novembre).

«La prise de pouvoir de groupes financiers»
L’Etat de Genève n’était pas non plus au courant de l’expérience menée par les HUG. Ce qui n’aurait rien d’anormal en vertu de l’autonomie de l’institution, rétorque le directeur de la Direction générale de la santé Adrien Bron. «Conclure des accords de collaboration pour la chirurgie ambulatoire ne pose pas a priori de problème de doctrine», argumente le haut-fonctionnaire. Selon l’Etat, toutes les institutions de santé sont contrôlées, au niveau de l’adéquation de leurs locaux et de la validation de leurs compétences, mais pas sur la qualité. «C’est aux HUG d’en fournir la garantie. Nous souhaiterions que la loi fournisse davantage de mécanismes de régulation aux cantons en matière de soins ambulatoires afin de mieux appréhender ce genre de démarche», ajoute M. Bron.
Mais pour Christine Serdaly, ce genre de partenariat devrait faire l’objet d’une stratégie incluse dans la planification sanitaire du canton. Cette membre de la commission de la santé critique la tendance qui pousse l’hôpital à déléguer des missions de service public, tout en considérant son conseil d’administration comme une «caisse d’enregistrement». Comme elle, le député PDC et médecin Bertrand Buchs regrette cette marchandisation de la médecine, qui voit la santé comme un produit et non plus comme un bien public. «Je constate la prise de pouvoir de groupes financiers qui achètent des prestations pour se faire de l’argent.»
De pair avec ce transfert de compétences vers le privé, la question du statut de la main-d’œuvre se pose. D’après nos informations, la convention signée entre les HUG et MV Santé est soumise à certaines conditions, mais aucun point ne règle la question du personnel.

Quelles conditions de travail?
«Or la différence des conditions de travail entre le secteur public et privé peut être énorme», relève Manuela Cattani, secrétaire générale du syndicat SIT. «C’est un comble qu’un établissement de droit public ne contrôle pas les conditions de travail de ses sous-traitants, réagit Mme Serdaly. D’autant que l’Etat de Genève a mis en place une politique de lutte contre la sous-enchère salariale.»

Pauline Cancela, Le Courrier

1 commentaire à “L’hôpital genevois externalise sa petite chirurgie en toute discrétion”


  1. 1 helvetica 29 oct 2013 à 2:01

    C’est vrai qu’on n’entend pas trop parler de ce problème. S’inspirent-ils des autres domaines où il est courant d’externaliser les services?!

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