Le milliard du RER zurichois

Le milliard du RER zurichois resurgit dans le débat ferroviaire L’indemnité versée par la Confédération depuis les années 90 soulève des questions. Certains estiment que Zurich a été suffisamment servi. A Berne, on craint plus que jamais une guerre des régions.

Le canton de Zurich a-t-il mis dans son RER autant d’argent de sa poche qu’il le prétend? Au moment où une alliance de 15 cantons, dont Zurich, revendique des milliards supplémentaires pour construire de nouveaux tunnels dans son agglomération (LT du 05.05.2012), plusieurs personnes, dont certaines sont très bien placées pour juger des investissements ferroviaires, soulèvent des questions sur le financement du S-Bahn zurichois.

Les interrogations portent sur une petite ligne qui apparaît discrètement dans les conventions de prestations entre la Confédération et les CFF, qui fixent les objectifs stratégiques pluriannuels de l’entreprise. Le Conseil des Etats doit se prononcer ce lundi sur la convention 2013-2016, la cinquième du genre depuis l’entrée en vigueur de la loi sur les CFF en 1998.

Cette ligne discrète se nomme «Imputation des avantages de la ZVV». Pour la période 2013-2016, elle prévoit une contribution de 52 millions par an. Or, depuis qu’elle existe, cette rubrique engloutit une somme considérable. A fin 2011, 520 millions avaient été investis par la Confédération à ce titre. Et la somme dépassera le milliard de francs en 2025.

De quoi s’agit-il? Lorsque Zurich a créé son RER en 1990, il a simultanément donné naissance à la Communauté tarifaire zurichoise (abrégée ZVV en allemand). Le canton a débloqué 1,15 milliard pour ce projet précurseur, le RER zurichois ayant été le premier du genre en Suisse.

Or, à l’époque – c’était en 1989 –, les CFF et la ZVV ont signé un contrat qui prévoyait le versement d’une contribution qui avait pour but de dédommager la ZVV pour l’apport en passagers du RER zurichois sur le réseau CFF. D’une dizaine de millions au départ, le dédommagement annuel a grimpé à 41 millions en 2012 et s’élèvera donc à 52 millions dès 2013. En 2025, date de l’échéance du contrat, une somme de 1,16 milliard aura ainsi été versée par la Confédération à la ZVV. S’il ne confirme pas le montant, calculé par un bureau spécialisé, l’OFT confirme cependant l’«ordre de grandeur».

Peut-on en conclure que la Confédération aura totalement remboursé l’investissement que le canton de Zurich a effectué dans son RER? L’OFT apporte à cette question une réponse de Normand.

Il confirme que le montant de l’investissement «est entièrement remboursé au canton de Zurich», mais il précise qu’il ne couvre pas les intérêts sur 30 à 40 ans et qu’un milliard de 1990 n’équivaut pas à un milliard de 2012. «Si l’on compare le niveau des prix d’aujourd’hui avec celui de 1990, la Confédération n’aura remboursé qu’une partie des coûts d’investissement», relativise l’OFT. Il faut aussi préciser que différentes compensations comptables ont été effectuées entre le canton de Zurich, qui avait préfinancé le projet comme il l’a fait ensuite pour la nouvelle ligne souterraine actuellement en construction, et les CFF lorsque la nouvelle loi est entrée en vigueur en 1998.

Depuis cette date, la situation légale est claire: la contribution fédérale versée à la ZVV apparaît dans les conventions de prestations qui, elles, sont ancrées dans la loi sur les CFF. Mais qu’en était-il avant 1998? Là, c’est plus confus. Selon l’OFT, le contrat de 1989 avait été approuvé par le Conseil fédéral et reposait sur «la situation juridique en vigueur au moment de l’ouverture du RER zurichois», soit les anciennes lois sur les CFF et sur les transports. On ne peut cependant pas dire que ce contrat ait fait l’objet d’une grande publicité à l’époque.

L’OFT reconnaît que les indemnisations versées les premières années n’étaient «pas visibles», car la «présentation des comptes était différente». Il s’agissait alors d’une «moins-value de recettes non inscrite au budget» des CFF. Le contrat a été adapté au moment de l’entrée en vigueur de la loi sur les chemins de fer en 1998, avec effet rétroactif au 1er janvier 1996 et valable pour une durée de 30 ans, soit jusqu’en 2025. Les contributions de 1996 et 1997 ont été versées rétroactivement une fois que le contrat a été adapté en 1998, assure l’OFT.

Alors qu’elle n’a jamais provoqué le moindre débat, cette rubrique de la convention de prestations des CFF suscite une plus grande curiosité depuis que l’alliance des 15 cantons a manifesté sa soif de milliards supplémentaires début mai.

En résumé, cette alliance demande que la tranche d’investissements ferroviaires à l’horizon 2025 soit portée de 3,5 à 6 milliards de francs. Les 2,5 milliards supplémentaires doivent notamment permettre de réaliser trois tunnels dans la région zurichoise.

Or, la Métropole lémanique (LT du 06.06.2012) souhaite que ces 2,5 milliards soient avant tout réservés à des projets romands comme la gare de Genève et la ligne Lausanne-Berne. En d’autres termes, la Métropole lémanique estime que Zurich a été généreusement servi et que c’est le tour des Romands.

La question du financement du RER zurichois sera abordée ce lundi au Conseil des Etats. Le Temps a en effet appris que la socialiste vaudoise Géraldine Savary comptait interpeller Doris Leuthard à ce sujet.

A l’OFT, on craint cependant que cette réaction à l’offensive de l’alliance des 15 cantons ne déclenche une guerre entre les régions. «Une querelle sur les investissements passés et futurs n’amène rien», prévient son porte-parole Andreas Windlinger. En coulisses, toutefois, un connaisseur du dossier tout à fait neutre reconnaît aux Zurichois un certain talent à obtenir de l’argent de la Confédération.

Le Temps

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