Après le frein à l’endettement, le frein au démantèlement social ?

NEUCHÂTEL • L’initiative POP «Frein au démantèlement social» et le contre-projet du Grand Conseil sont soumis au peuple le 17 juin prochain. Retour sur un débat amorcé dès 2006.

Neuchâtel sera-il le premier canton de Suisse à se doter d’un frein au démantèlement social ?

Peut-être, si les citoyens acceptent ce dimanche l’initiative populaire du Parti ouvrier populaire (POP) «Frein au démantèlement social», voire le contre-projet «allégé» du Grand Conseil. L’initiative est soutenue uniquement par la gauche alternative (POP, Solidarités, mais sans les Verts) et par l’association Entente cantonale neuchâteloise (EC-NE). Ses chances de passer la rampe sont donc relativement modestes. Cela dépendra cependant de l’électorat socialiste, à qui le parti n’a pas donné de consigne de vote concernant l’initiative.
Le contre-projet est en revanche appuyé par le Conseil d’Etat, le Grand Conseil et l’ensemble de la gauche (PS, les Verts, POP et Solidarités), mais aussi par le PDC, l’EC-NE et le Mouvement citoyens neuchâtelois. Il pourrait donc être accepté.

Initiative remontant à… 2006
Lancée en 2005 et déposée en 2006 avec 6400 signatures, l’initiative populaire du POP réagissait à un train d’économies linéaires de 10% affectant tout particulièrement les classes moyennes et défavorisées, décidé lors de l’adoption du premier budget – de 2006 – soumis au mécanisme du frein à l’endettement. Elle vise à introduire dans la Constitution neuchâteloise une disposition exigeant «une majorité des trois cinquièmes des voix pour toute réduction d’une subvention inscrite au budget de l’Etat».
Il aura donc fallu plus de cinq ans au Conseil d’Etat – largement plus que les délais constitutionnels impartis – pour soumettre fin 2011 cette initiative au législatif. Il a dans un premier temps recommandé son rejet au Grand Conseil, sans lui opposer de contre-projet, Jean Studer estimant son application difficile en raison de la «notion confuse de subvention inscrite au budget». «Cela pourrait engendrer des inégalités de traitement entre les subventions et les autres groupes de dépenses», a-t-il soutenu. «Les subventions versées pour les salaires des enseignants communaux devraient être adoptées à la majorité qualifiée alors que la majorité simple suffirait pour les salaires versés aux enseignants des écoles cantonales.»

Contre-projet in extremis
Mais la gauche majoritaire ayant jugé d’une «grande légèreté» l’absence de contre-projet du Conseil d’Etat, le ministre a finalement fait marche arrière et a sorti in extremis une proposition de sa manche, que le Grand Conseil a adoptée. Celle-ci stipule que les lois et décrets entraînant des économies importantes pour le canton doivent être soumis au vote à la majorité qualifiée lorsque ceux-ci sont adoptés en vue de respecter la loi en matière de limite à l’endettement. Le texte maintient la majorité qualifiée, mais la limite au budget et au mécanisme du frein à l’endettement, alors que l’initiative POP la souhaitait pour toutes les économies dans les subventions décidées par le Grand Conseil: «L’adoption du budget par le Grand Conseil est un acte politique majeur. Des budgets solides exigent des majorités les plus larges possibles. Le contre-projet permettra justement de consolider les efforts de redressement des finances et de poursuivre les réformes cantonales», a estimé Jean Studer.
Pour la gauche, «la paix sociale en Suisse a un coût». Il ne fait donc pas de doute que le mécanisme de frein à l’endettement doit s’accompagner de son pendant, le frein aux économies. «Au même titre que les dépenses importantes, les économies importantes doivent être décidées à la même majorité qualifiée», estime le Parti socialiste.
A droite (PLR, UDC), on dénonce une initiative et un contre-projet qui «torpilleraient les mécanismes de frein aux dépenses plébiscités par une très large majorité des citoyens et qui sont la seule chance de redresser les finances du canton», estime la PLR Caroline Gueissaz. Et de citer les grands projets – RER neuchâtelois, Microcity et plan hospitalier – que «le canton planifie pour assurer son développement, mais pour lesquels il est nécessaire de trouver des sources de financement».

Initiative plus que jamais nécessaire
Pour le POP, qui a décidé de maintenir son initiative, et pour Solidarités, qui la soutient, celle-ci a «plus que jamais sa raison d’être, Neuchâtel connaissant les taux de surendettement des ménages et d’aide sociale les plus élevés de Suisse». Selon eux, «le désendettement de l’Etat s’effectue principalement par un report de charges sur les communes et les citoyens, aggravant encore cette situation».
La gauche alternative dénonce aussi le fait que l’Etat transfère de plus en plus de compétences et de charges à des structures autonomisées et externalisées. Echappant ainsi au contrôle direct du parlement, leurs subventions sont directement exposées aux coupes étatiques. «L’objectif de l’initiative n’est pas de supprimer toute mesure d’économie mais de rééquilibrer les moyens à disposition de l’Etat», conclut le POP. I

Le Courrier, Claude Grimm

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