L’accès aux rives du lac, une belle théorie

Paru dans Le Courrier, le Mercredi 11 Août 2010 - Laura Drompt

Genève LÉMAN - Les berges genevoises sont très rarement accessibles au public en raison des nombreuses propriétés attenantes au lac. La résistance pour remédier à cette situation s’organise, mais cela prend du temps.
Il existe en Suisse une loi demandant de «tenir libres les bords du lac et des cours d’eau et de faciliter au public l’accès aux rives et le passage le long de celles-ci». Il s’agit de l’article 3 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT). S’il semble clair de prime abord, il n’est toutefois pas respecté par un grand nombre de propriétaires de terrains en bordure du Léman.

«A Genève, très peu d’accès aux rives du lac sont ouverts à tous. Finalement, seuls les espaces publics en offrent. Voilà vingt ans que l’on parle d’un chemin longeant les berges, mais il n’existe pas de majorité politique suffisante pour rendre public l’accès aux rives.» En quelques phrases, le responsable de la renaturation des cours d’eau au sein du Département de l’intérieur et de la mobilité (DIM), Alexandre Wisard, résume la situation. Ses propos sont confirmés par Michèle Künzler, conseillère d’Etat en charge du DIM: «L’accès public aux rives du Léman, c’est un véritable serpent de mer. Le manque de volonté politique est effectivement un problème. Il concerne surtout le Grand Conseil où des projets de loi ont été rejetés à plusieurs reprises.»

Des propriétaires peu scrupuleux

Ces échecs sont généralement le fait des partis de droite, lesquels souhaitent empiéter le moins possible sur les plates-bandes des riches propriétaires établis au bord du lac. En 2001, ces partis avaient même trouvé un soutien dans les rangs des Verts. Les écologistes avaient alors refusé d’entrer en matière sur un projet de loi lancé par l’Alliance de gauche. Le but était de faire appliquer la loi fédérale. Mais les Verts ont estimé que le passage de piétons pouvait représenter une menace pour certains biotopes.
Selon Victor von Wartburg, président de l’association Rives publiques, le problème vient aussi de certaines communes. «Elles ne veulent pas annoncer à leurs riches propriétaires, ayant payé des millions de francs pour certains terrains, qu’un chemin piéton sera fait devant leur jardin. Quant aux cantons, ils restent à la traîne.» Le président de Rives publiques regrette qu’aucun plan directeur des rives n’ait été établi à Genève, alors même que le canton de Vaud possède une telle carte depuis 2000.
Il remarque aussi amèrement que rien n’est prévu à court terme contre les propriétaires peu scrupuleux. «Certains ont attendu les années où l’eau est très basse, pour remblayer une partie de leur terrain et gagner quelques mètres carrés de jardin de façon illégale. Au bout de ces parcelles, ils construisent des murs et aujourd’hui, les rives sont bétonnées à 75%.» Alexandre Wisard corrobore ces propos. «Il s’avère que de nombreuses propriétés privées se sont attribué des espaces publics et semi-publics. Mais si l’on souhaite régler ce problème en forçant les gens à rendre l’accès libre à nouveau, cela signifie entrer en conflit avec des dizaines de propriétaires.»
La situation serait toutefois en train d’évoluer. Un recensement de toutes les constructions obstruant le passage des piétons au bord du lac serait en cours «afin de procéder à des améliorations, voire à des destructions pour les ouvrages non conformes à la loi», selon Michèle Künzler. Elle ajoute: «Mètre après mètre, on essaie de désencombrer l’accès au lac. En tous les cas, les choses bougent et l’on fait de notre mieux avec le cadre légal en place.»

Retournement de situation

Du côté des Verts aussi, les choses évoluent. Leur secrétaire général Jean-René Hulmann explique: «Finalement, l’accès public aux rives du lac entre relativement peu en conflit avec la protection de la nature, tant que cela se fait de manière cadrée. En interdisant l’accès aux berges lors de la nidification, la cohabitation est possible.» Pour autant, la question n’a pas été mise à l’agenda du parti.
Du côté du Parti libéral genevois, on reste réticent au projet. Son président Cyril Aellen tempère: «L’important est d’agir de manière concertée et agréable, sans sombrer dans des excès. Mon avis personnel est qu’il ne s’agit pas là d’un droit absolu, et il vaut mieux à mon sens nous préoccuper de la qualité de l’eau plutôt que du nombre de mètres carrés disponibles par habitant.»
Au vu de la situation, les Genevois devront donc rester patients s’ils souhaitent pouvoir se promener librement le long des berges.

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