Durement frappé, le Tafta n’est pas (encore) mort

Le gouvernement français espérait signer l’arrêt de mort du Tafta à Bratislava. Il n’aura obtenu que la confirmation de son report.

Comme prévu, le secrétaire d’Etat au commerce Matthias Fekl a profité du sommet informel européen pour annoncer le 23 septembre à ses 26 homologues (le Royaume-Uni n’était pas convié, pour cause de Brexit) que Paris ne soutenait plus politiquement la poursuite de la négociation commerciale entre l’Europe et les Etats-Unis.

Mais, faute de majorité, la France n’a pu entreprendre aucune démarche formelle pour enterrer la négociation transatlantique. Selon une source européenne citée par l’AFP, « au moins vingt » ministres du commerce européens se seraient en effet prononcés pour la poursuite des négociations – bien au-delà des douze qui avaient publiquement défendu le Tafta mi-septembre dans une lettre à la Commission.
Une suspension « de fait » des négociations

Le front du « non » que la France essaie de bâtir est donc, pour l’heure, bien incapable de réunir l’unanimité nécessaire à l’abrogation ou la modification du mandat de négociation confié en 2013 par les Etats-membres. Ce que Mme Malmström n’a pas manqué de souligner vendredi, en répétant « nous avons un mandat unanime ». Soutenu seulement par l’Autriche et quelques petits pays, le gouvernement français n’a finalement pas pu compter sur l’appui clair de l’Allemagne, déchirée entre son ministre de l’économie social-démocrate Sigmar Gabriel (très sceptique vis-à-vis du Tafta) et sa chancelière conservatrice Angela Merkel (l’une des principales avocates de l’accord).

Le sommet de Bratislava a toutefois permis d’acter l’échec actuel des discussions avec les Etats-Unis, la commissaire européenne au commerce Cecilia Malström reconnaissant enfin que son objectif d’aboutir à un compromis avant la fin du mandat de Barack Obama était « improbable » (ce que tout le monde savait depuis longtemps). Résultat : le prochain cycle de négociation aura bien lieu en octobre malgré l’opposition de la France, mais les pourparlers seront ensuite suspendus de fait jusqu’à l’installation de la nouvelle administration américaine, au premier semestre 2017.

On est donc loin d’un coup d’arrêt franc et net dicté par une impulsion politique forte des Etats européens, mais plutôt dans un constat pragmatique de la Commission, qui attend d’avoir un nouvel interlocuteur aux Etats-Unis avant de poursuivre les discussions. « Si Trump gagne [l’élection présidentielle américaine], le Tafta va mourir instantanément [car il y est fermement opposé] ; si c’est Clinton, nous devrons attendre de voir quelle est sa posture vis-à-vis de l’Europe », a résumé l’Allemand Bernd Lange, président de la commission commerce international du Parlement européen.

Reste à savoir comment, même en cas de victoire de la candidate démocrate, les blocages constatés depuis trois ans entre les négociateurs européens et américains pourraient être surmontés subitement. Pour « partir sur de nouvelles bases », la France et l’Autriche seraient favorables à la rédaction d’un nouveau mandat de négociation pour le Tafta, avec un nouveau nom, davantage de transparence et « des objectifs plus clairs », comme par exemple sur la question climatique. Mais il faudrait pour cela réunir l’unanimité des voix des Vingt-Sept. Ce qui semble relever, en l’état actuel, de la mission impossible, et ne garantirait en aucun cas une meilleure issue des négociations.

Maxime Vaudano, Le Monde

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