L’hécatombe des offices de poste

La Poste a fermé 1799 bureaux en quinze ans, soit plus de la moitié de ses adresses en Suisse. État des lieux dans les cantons romands.
Il est révolu, le temps où l’office de poste trônait au centre du village.

Le géant jaune a entamé sa mue en 2001 et, depuis, bon nombre de guichets ont définitivement fermé. Pour mesurer l’étendue des dégâts par canton, il faut se baser sur les chiffres de l’Association suisse des collectionneurs de cachets postaux. Car l’ex-régie fédérale n’indique que les chiffres nationaux sur son site.

Des agences aux prestations réduites

En Suisse romande, les cantons de Fribourg, Vaud, du Valais et du Jura ainsi que du Jura bernois sont les davantage touchés, avec plus de la moitié de bureaux fermés. Neuchâtel est juste au-dessous de ce seuil (49%), alors que, à Genève, seul le quart des offices a été touché.

En compensation, La Poste a ouvert 244 agences avec des prestations réduites dans des kiosques, des boulangeries ou des magasins d’alimentation. Dans ces dépôts, on peut affranchir lettres et paquets ou retirer de l’argent, mais pas faire des paiements en espèces notamment.

Cette évolution ne laisse pas les élus insensibles. Dans un courrier à la Commission fédérale de la poste, PostCom, la Conférence des directeurs d’économie publique exige, pour chaque canton, des chiffres précis sur l’accessibilité des locaux postaux. Selon l’ordonnance fédérale, 90% au moins de la population devrait pouvoir s’y rendre en moins de 20 minutes, que ce soit à pied ou en transports publics. Trente minutes sont tolérées pour les ménages desservis par le service à domicile. Cet objectif s’applique toutefois à la Suisse entière et n’empêche pas, pour autant, que le quart des habitants d’un canton soient mal desservis!

Devant le fait accompli

A Berne, des parlementaires se sont également insurgés contre la politique de l’ancienne régie fédérale. Deux interventions, largement soutenues par l’hémicycle, ont plaidé pour davantage de transparence. «Les communes sont trop souvent placées devant le fait accompli», fait valoir l’ex-conseiller national Eric Voruz (PS/VD).

«La Poste pratique la tactique du salami», renchérit son collègue Christian Lohr (PDC/TG). «Dans un premier temps, on réduit massivement les heures d’ouverture des bureaux pour justifier ensuite, faute de clientèle et de chiffre d’affaires, leur fermeture.» Les chiffres publiés par PostCom vont dans le même sens: de nombreux petits offices n’ouvrant que quelques heures par jour ont effectivement disparu, et La Poste poursuit sur sa lancée. Entre 2013 et 2014, le nombre de guichets ouverts entre deux et six heures par jour est ainsi passé de 20% à 23%.

Le géant jaune justifie cette pratique en expliquant que le nombre d’opérations au guichet diminue constamment. Il assure respecter les prescriptions légales sur l’accessibilité de ses bureaux. Comme celles-ci sont fixées à l’échelle nationale, il ne donne pas de chiffres dans les cantons.

Grandvillard en sursis

PostCom concède que «la diminution des heures d’ouverture des offices de poste a des conséquences négatives sur leur chiffre d’affaires». L’organe de surveillance, qui relève dans son rapport annuel que «les agences sont de mieux en mieux acceptées», garde tout de même l’œil ouvert. Il a ainsi émis un préavis négatif à la fermeture du bureau de Grandvillard en Gruyère, où aucun partenaire n’a été trouvé pour accueillir une agence postale.

A Melchtal, dans le canton d’Obwald, PostCom a ordonné pour la première fois l’application de mesures de surveillance contre La Poste. Cette dernière a, en effet, restreint le service de distribution à domicile pour sept ménages. Et ce, malgré les engagements pris lors de la fermeture de l’office. La procédure est pendante au Tribunal administratif fédéral.

Claire Houriet Rime / yd / Bon à savoir

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