Postes menacées : d’un village à l’autre, les réactions divergent

Au pied du Jura, des résistances et des solutions originales

Jean-Marc Corset - 17.04.2009

Montricher n’est pas un village d’irréductibles, hostiles aux nouvelles technologies. Mais ses habitants ne voient pas comment La Poste pourrait fournir de bons services autrement qu’en maintenant un office dans la commune. Ils sont nombreux à avoir signé la pétition disant «Non à un nouveau démantèlement du réseau postal». La dernière liste des bureaux menacés, dévoilée mercredi par le géant jaune, compte plusieurs villages du pied du Jura. Mais tous ne font pas de la résistance. Certains ont trouvé des solutions et semblent s’accommoder des alternatives proposées.

«Nous voulons défendre au maximum notre poste, affirme le syndic de Montricher, Michel Desmeules. On sait que ça ne pourra pas durer éternellement, mais on espère au moins la sauver quelques années. Car, dans un rayon de 30 mètres, nous avons une synergie entre le bureau postal, l’hôtel, la banque et l’épicerie. C’est comme un carrousel qui permet de maintenir l’animation du village. La proximité est importante.»

Chefs de file des défenseurs de la poste, Monika et Gilbert Lüthi, qui tiennent la grande quincaillerie au bas de Montricher, vont plus loin: «Si la poste disparaît, c’est la mort du village. Ça sera un cauchemar si on doit aller jusqu’à Pampigny en hiver, quand la neige est soufflée sur la route.» Les deux commerçants ont déjà récolté plus de 70 signatures en deux jours auprès des clients.

La patronne de l’Auberge aux Deux Sapins s’inquiète, elle aussi, de perdre cette «bonne qualité de service. Des produits frais arrivent en express. On commande le soir et on réceptionne la marchandise le lendemain: des grenouilles fraîches, mais aussi le café. Le matin, on reçoit le courrier et les journaux à 7 h dans la boîte. Qu’en sera-t-il après?»

L’employé postal, Jean-Daniel Guignard, dont le bureau est rattaché à celui de Morges, dit qu’il s’y attendait depuis longtemps. Mais ce n’est que mercredi qu’il a été avisé par lettre de sa direction. Agence à prestations réduites ou service à domicile? Pour l’heure rien n’est décidé pour Montricher. «Je suis dans l’inconnu», indique le postier, qui travaille avec sa femme pour l’ex-régie.

Sites internet et timbres
Marchissy est également inscrite sur la liste noire. Averti avant-hier par lettre que chaque cas serait examiné séparément, le syndic, Jean-Louis Humbert, se dit «à moitié» surpris. «On n’a pas encore d’idée sur l’avenir, dit-il laconiquement. Mais on va écrire, car le but est de garder ce service.»

Non loin de là, Saint-George a trouvé une solution originale. «Chez nous, c’est déjà réglé, nous voulions réagir au plus vite: nous avons trouvé des gens d’accord de créer une agence postale, indique la municipale, Anne-Gaëlle Bovon Abbet. C’est un couple qui conçoit des sites internet qui va reprendre les locaux de la poste.» Caroline et Pascal Pralong vont ainsi délocaliser leur société de Chavannes-près-Renens pour l’installer dans leur commune de domicile. Ouverte, dès mi-août, entre 20 et 25 h par semaine – soit plus du double qu’actuellement – la future agence postale proposera même les services de paiements postaux aux titulaires d’une Postcard.

Plus au nord, Vuiteboeuf a adopté une solution similaire. Le municipal Georges Karlen relève que la commune en discute depuis une année avec La Poste. Aujourd’hui, tout est réglé. A partir de juin, c’est la boulangerie-épicerie qui se chargera du service postal «comme dans 5 ou 6 villages alentour. Cette solution nous semblait mieux adaptée que le service à domicile.»

De tous bords politiques, on critique les plans de La Poste

RÉACTIONS
C’est la liste la plus longue de Suisse: dans le canton de Vaud, 48 bureaux de poste sont menacés. Face à cette situation, le Parti socialiste vaudois interviendra au Grand Conseil: il aimerait que le Conseil d’Etat réagisse auprès de La Poste pour éviter des fermetures et privilégier des collaborations avec les collectivités publiques plutôt qu’avec les épiceries – qui risquent aussi de fermer – afin d’assurer un service à long terme.

Les socialistes ne sont pas seuls, chez les députés des régions menacées, la critique fuse. «Au nom d’une sacro-sainte idéologie libérale, on sacrifie un service public de proximité alors que La Poste est globalement rentable et que l’Etat investit de l’argent à cause des errements des grandes banques. Nous allons lutter contre cette logique», s’indigne Bernard Borel, député A Gauche toute d’Aigle.

A droite aussi, des élus désapprouvent. «C’est assez grave. Il faut une prise de conscience du politique pour que les régions périphériques puissent vivre dans des conditions acceptables», réagit André Delacour, député UDC de Villars-le-Grand. Convaincu qu’il faut être proactif pour maintenir ce service, il est, lui, ouvert à des collaborations avec des privés.

Pour l’écologiste broyard Jean-Marc Chollet et la députée écolibérale Isabelle Chevalley, forcer les clients à se rendre en voiture à la poste est irrationnel. «Ecologiquement, c’est catastrophique», réagit-elle. Et de critiquer l’argument de rentabilité: «Les offices rentables devraient payer pour les autres. La Poste est un service public.» Albert Chapalay, libéral du Pays-d’Enhaut, estime par ailleurs qu’on paiera la centralisation par des dépenses sociales pour assurer des services aux personnes âgées.

Et lorsqu’on ne s’élève pas contre la suppression de bureau, c’est la manière qui fait tiquer. «J’ai l’impression que cette offensive de La Poste vise à faire pression sur les politiques en disant: «Si vous voulez qu’on maintienne des bureaux, donnez-nous la licence bancaire», critique Michel Mouquin (rad.) Une méthode que cet opposant à une banque postale condamne.

Mais plusieurs députés rappellent aussi que les usagers ont aussi un rôle à jouer pour sauvegarder leur poste: l’utiliser, avant de pleurer sa fermeture.

L. PI.

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