Le monopole de la Poste ne tient plus qu’à un fil

SERVICE PUBLIC | Malgré les signaux de défiance du parlement, le gouvernement veut ouvrir rapidement le marché postal.

© Keystone | Eclépens

Romain Clivaz
paru dans la Tribune de Genève

Le Conseil fédéral fait la sourde oreille en matière d’ouverture du marché postal. Il a décidé hier de baisser le monopole de la Poste sur les lettres de 100 à 50 grammes dès le 1er juillet 2009, par voie d’ordonnance. Et comme il l’a déjà annoncé, il devrait ouvrir totalement le marché dans une deuxième étape, vers 2012. Les détails du projet seront présentés l’an prochain au parlement. Mais la question divise, et un référendum paraît probable. Au final, le peuple devrait donc trancher.
Le gouvernement a la loi pour lui. Mais politiquement, sa décision de baisser le monopole surprend. Ces derniers mois, en effet, le parlement a signalé qu’il y était opposé. Les commissions des transports et des télécommunications des deux conseils, certes à une courte majorité, se sont exprimées contre une ouverture anticipée. Et le Conseil des Etats a fait biffer l’ouverture du marché postal du programme de législature.
Les incertitudes liées au maintien du service public, et à la desserte des régions périphériques, ont pesé lourd dans ces réflexions.

Retard sur l’Europe

«La décision du gouvernement est incompréhensible», tranche la sénatrice Géraldine Savary (VD). La socialiste émet d’abord une critique sur le fond: «A un moment où la population est désécurisée par rapport à la situation économique, que les gens constatent que l’on socialise les pertes de grandes banques, je ne vois pas le sens de remettre en cause les prestations de la Poste.» Géraldine Savary soulève également une objection sur la forme: «Le Conseil fédéral nous consulte mais ne nous écoute pas.»
Mais le gouvernement estime que la politique de libéralisation progressive qu’il suit depuis une décennie est positive. Il compte donc poursuivre sur cette voie, d’autant plus que l’UE va dans la même direction. Et que la Suisse est en retard. En effet, le marché européen sera complètement ouvert le 1er janvier 2011 dans l’UE. Les pays de l’Est, la Grèce et le Luxembourg bénéficiant de deux années supplémentaires.

Pas sûr, toutefois, que les Suisses aient envie de suivre Bruxelles les yeux fermés. En fait, la vraie bataille aura lieu au moment de supprimer totalement le monopole. Car si l’abaissement à 50 grammes agite aujourd’hui les esprits, seul un quart des envois seront soumis à la concurrence dans cette première phase. Les 75% restants le seront au moment de la libéralisation totale. Bien que la date n’ait pas été confirmée hier, le Conseil fédéral a déjà annoncé vouloir franchir ce deuxième pas en 2012.

Au final, c’est probablement le peuple qui tranchera. En effet, la gauche risque de lancer un référendum. «Ce sera une belle bataille pour notre camp», lance Géraldine Savary. De sérieux renforts pourraient arriver des ­régions périphériques, plus précisément du Groupement suisse pour les régions de montagne (SAB). Son directeur Thomas ­Egger assure que «nous soutiendrons le référendum, même si nous ne le lançons pas». Et de nombreux parlementaires bourgeois pourraient suivre le mouvement initié par la gauche.

Des réactions attendues
Principale concernée, la Poste a estimé hier que le Conseil fédéral devait encore améliorer le projet, afin de lui accorder une plus grande liberté entrepreneuriale. Il s’agit «de se montrer plus prudent dans la formulation des conditions politiques imposées», a précisé l’entreprise publique dans son communiqué Elle a rappelé son attachement à une banque postale dont le Conseil fédéral ne veut pas.

L’Union syndicale suisse a pour sa part exprimé toute sa colère. Selon elle, la crise des marchés financiers «témoigne des conséquences catastrophiques des politiques de libéralisation et de dérégulation», de même que la hausse annoncée des prix de l’électricité. Pour le syndicat, le Conseil fédéral «ne tire donc pas les leçons des événements de ces derniers jours».

A l’inverse, economiesuisse a salué cette décision sur le principe, estimant que les conditions sont réunies pour la poursuite de l’ouverture contrôlée et progressive du marché. Mais l’organisation économique estime qu’il ne s’agit que d’un «petit pas vers une intensification de la concurrence sur le marché postal» qui permet d’améliorer le rapport qualité-prix. (rcz, Berne)

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