La bataille du rail

Pour renforcer les CFF et la part du train dans le transport, il est urgent d’investir dans les infrastructures.

Le rail, c’est l’avenir du transport, qu’il soit voyageur ou marchandises, d’autant plus quand l’harmonisation de l’espace ferroviaire européen va bon train. De cela, Michel Béguelin en est convaincu. Rangé du Conseil des Etats, mais toujours actif au sein du parti socialiste, l’ancien syndicaliste du SEV est actuellement directeur du terminal Terco SA. L’entreprise travaille à Chavornay avec sept partenaires aussi bien publics que privés, « en collaboration et non en concurrence » tient à préciser l’ancien élu, qui reste un spécialiste écouté du dossier. « Aujourd’hui, Hans-Rudolf Merz et la droite parlementaire n’ont qu’une vision à court terme dans ce secteur et refusent, du fait du frein à l’endettement, des investissements nécessaires dans des infrastructures », dénonce le Vaudois. Et de citer l’exemple de la ligne Genève-Lausanne qui nécessiterait rapidement une troisième voie entre Renens et Allaman. « Avec l’augmentation continue de 6-7% de voyageurs chaque année, il est nécessaire de construire. Aujourd’hui, l’infrastructure est occupée à 99%. Avec deux voies, il ne reste seulement qu’une marge de manœuvre de 1% pour gérer le trafic supplémentaire. En refusant un crédit de 410 millions, on va pénaliser pendant des années un réseau rentable. C’est d’une stupidité totale ».

Des secteurs rentables

Il est aussi en faveur d’une deuxième voie sur les 1,5 km du goulot d’étranglement du tunnel de la Gléresse sur la ligne du pied du Jura. Petite cause, grands effets : ce seul manque ruine l’horaire continu entre Genève et Zurich. Il défend aussi l’achèvement rapide d’une double voie dans le tunnel du Lötschberg, sur l’axe Berne-Brigue. « C’est rentable et c’est une infrastructure d’avenir ». Aujourd’hui, le trafic voyageur sur les grandes lignes fait du bénéfice, de même que le secteur de l’immobilier (il faut dire que les gares sont devenues de vrais bazars…). Le secteur infrastructure couvre ses coûts avec l’aide de subvention de l’Etat, de même celui du trafic régional. « Il faudrait cependant faire plus de distinctions entre des petites lignes comme celle de la Broye ou les grandes lignes urbaines S-Bahn zurichois qui reçoivent toutes deux des subventions au titre du trafic régional », précise Michel Béguelin. Reste le problème du secteur marchandise (CFF-Cargo). Si celui-ci n’est toujours pas rentable sans subvention (que la droite veut d’ailleurs couper), le transfert route-rail reste porteur sur le long terme et indispensable dans une perspective de développement durable. « Il faut un effort continu pour avoir un effet de transfert », souligne l’ancien député. Un avis partagé par Peter Moor, porte-parole du syndicat SEV : « Les standards de sécurité et de contrôle sont d’un très haut niveau pour le transport par rail. A terme, on arrivera de toute façon à une hausse des coûts pour la route ». Si la droite rechigne à mettre la main au portefeuille, oú trouver des financements supplémentaires pour renforcer le rail ? Les deux interlocuteurs soutiennent l’initiative de l’Association transports et environnement (ATE) qui veut réserver de manière durable, dans un fonds, une partie de la taxe sur l’essence pour des projets ferroviaires. Michel Béguelin n’a pas de doutes sur l’issue favorable d’un tel scrutin. « Depuis 1998, le peuple a toujours accepté à deux contre un des projets pour développer le rail ».

Système unique au monde

Comme avec la Poste, un vent de libéralisation, voire de privatisation en provenance de l’Union européenne souffle depuis dix ans sur le secteur des chemins de fer. Deutsche Bahn s’est ainsi séparé de 25% de son capital pour lancer des investissements. « En Grande-Bretagne, la privatisation intégrale a été un échec tout aussi intégral, démontré, et très coûteux pour la collectivité ». Pour Michel Béguelin, la Suisse est bien parée face à tous ses concurrents. « Le système de réseau suisse est unique au monde. Personne ne peut rivaliser avec notre système de transport public, du fait qu’il allie à la fois horaire cadencé et communauté tarifaire couvrant l’ensemble du territoire ». « Cet ensemble constitue le summum du service public intégrant le développement durable et les chiffres de fréquentation démontrent que ce service public est plébiscité chaque jour par le peuple. Est-ce pour cela que la droite freine les investissements dans le secteur ? ». Pour le personnel aussi, la situation a évolué après la suppression du statut des fonctionnaires en 2001. Près de 10’000 emplois ont été supprimés cette dernière décennie. L’ancien syndicaliste se félicite que cela se soit passé finalement sans licenciement sec, et avec des possibilités pour les employés de transferts ou de requalifications. « Les prochaines négociations pour la CCT en 2010 promettent d’être tendues », prédit cependant Peter Moor. « Il y a de fortes pressions pour accroître la différenciation des salaires entre les diverses catégories du personnel ». Andreas Meyer, le grand directeur des CFF n’a pas à se plaindre : il gagne 2,5 fois le salaire d’un conseiller fédéral.

Joël Depommier in Gauchebdo

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