Fribourg : un débrayage historique !

Mardi 30 avril, 3000 à 4000 salarié-e-s de l’État – et des institutions affiliées à la Caisse de prévoyance du personnel (CPPEF) – ont débrayé durant une heure pour leurs retraites. Une première. Pour une première, c’est plutôt réussi. Jamais encore, la fonction publique fribourgeoise n’avait fait grève dans son ensemble.


Les médias ne s’y sont pas trompés: il s’agissait d’une courte grève, certes, mais d’une grève quand même!Ils étaient des milliers, mardi 30 avril, à stopper le travail entre 9 h et 10 h. Écoles, hôpitaux, administration cantonale, institutions subventionnées: partout, des salarié-e-s ont débrayé pour s’opposer à la révision de la CPPEF et ses conséquences sur les rentes (baisses jusqu’à 25%, élévation de quatre ans de l’âge de la retraite) et le service public (départ de centaines de fonctionnaires; diminution de l’attractivité).

ENSEIGNANT-E-S EN FORCE. C’est dans l’enseignement que le mouvement a été le plus suivi. Deux tiers des établissements primaires (soit une cinquantaine sur septante) ont débrayé. Dans les collèges – notamment Sainte-Croix et Saint-Michel, où la quasi-totalité des professeurs ont cessé le travail – la mobilisation était très forte aussi, tout comme dans les cycles d’orientation (notamment au Belluard, à Jolimont ou encore à Pérolles). Dans le secteur subventionné, à l’Institut Saint-Joseph (enseignement spécialisé), l’ensemble des enseignant-e-s ont cessé le travail. À l’université, près de 150 salarié-e-s – enseignant-e-s, membres du corps intermédiaire, personnel administratif – ont participé au débrayage.

ADMINISTRATION PAS EN RESTE. Fait nouveau, la mobilisation a également été très forte dans l’administration cantonale. Le débrayage a été suivi dans des dizaines de services: de la Bibliothèque cantonale et universitaire (BCU) aux Offices régionaux de placement (ORP), du Service archéologique (SAEF) à l’Office AI, en passant par le Service de l’enfance et de la jeunesse (SEJ) ou le Service de l’agriculture. Ce sont des centaines d’employé-e-s d’administration qui se sont mobilisé-e-s.
On est loin des 180 personnes, selon les déclarations – visiblement toujours aussi approximatives – du ministre des Finances, Georges Godel à la presse (1).

LES SOIGNANT-E-S RÉPONDENT PRÉSENT. En-fin, dans les hôpitaux, le personnel s’est également mobilisé. Au Réseau fribour-geois en santé mentale (RFSM), le débrayage a été très bien suivi: une septantaine de salarié-e-s se sont mobilisé-e-s, ce qui représente près d’un quart du personnel. À l’Hôpital fribourgeois (HFR), le bilan est plus contrasté, avec 150 salarié-e-s environ. Cette mobilisation moindre s’explique par les pressions et menaces particulièrement marquées qui ont été orchestrées dans cet établissement par la direction des Ressources humaines. Une véritable chasse aux sorcières a été lancée, durant plusieurs semaines, contre celles et ceux qui souhaitaient participer au débrayage. Des faits scandaleux, contre lesquels le SSP va réagir ces prochaines semaines.

MALGRÉ LES MENACES. Le succès de ce débrayage est d’autant plus significatif que le Conseil d’État avait tout fait pour déstabiliser le personnel et le démobiliser. Début avril, l’exécutif avait déclaré que le débrayage serait «illicite» et «susceptible de mener à des sanctions, conformé-ment à la Loi sur le personnel de l’État de Fribourg (LPers)». Des pressions et de menaces, parfois fortes, ont été exercées sur les employé-e-s dans les écoles, dans les services et au sein de certains établissements autonomes – mais nulle part de manière aussi marquée qu’à l’Hôpital fribourgeois, où l’on a constaté, comme indiqué plus haut, un harcèlement systématique.
Malgré ces pressions, les salarié-e-s – pourtant inexpérimenté-e-s en matière de grève – ont tenu le coup et courageusement organisé le débrayage sur leurs lieux de travail. Ce sont eux et elles, les véritables héros de cette journée: il faut leur tirer un grand coup de chapeau. Une expérience syndicale inestimable, pratique et théorique, a été accumulée ce mardi 30 avril et dans les semaines qui ont précédé.

UN SIGNAL ADRESSÉ AU CONSEIL D’ÉTAT. Après la manifestation du 27 février, qui avait réuni 4000 salarié-e-s, ce débrayage est un signal fort à l’attention du Conseil d’État: le projet de révision de la Loi sur la caisse de pension mis en consultation est clairement rejeté par le personnel. Des négociations doivent s’ouvrir sur une nouvelle mouture, qui prévoie une participation plus importante de l’État-employeur et permette de maintenir, autant que faire se peut, les conditions de retraites actuelles.

ET LA SUITE? Les négociations ont commencé. Une première rencontre avec le Conseil d’État a eu lieu le 8 mai. La FEDE et le SSP organiseront, en temps voulu, une assemblée générale du personnel de la fonction publique pour faire le point sur ces tractations et discuter de la pour-suite de la mobilisation. Au cas où aucune solution satisfaisante ne serait trouvée, cette assemblée se prononcerait sur l’organisation d’une journée d’actions et de grève. ◼

(1) La Liberté, 1er mai 2019.

«LE CONSEIL D’ÉTAT SE MOQUE DE NOUS»
Natacha, enseignante spécialisée au Foyer Saint-Joseph:«Pour moi, le projet du Conseil d’État entraînerait une forte diminution de rente, plus une augmentation de l’âge de la retraite. Alors qu’on nous a déjà imposé des sacrifices sur les salaires et que le gouvernement prévoit des cadeaux pour les grandes entreprises! C’est inadmissible. Si l’exécutif ne propose pas un projet acceptable, nous continuerons la lutte.»

Jean-Marie, enseignant à l’école du Bourg (primaire): «On a l’impression que le Conseil d’État se moque de nous. Des collègues qui ont travaillé des années pour le service public verraient leurs prestations de retraite fortement dégradées. C’est un manque de reconnaissance. Dans notre école, le débrayage a été un succès. Tous les enseignants ont arrêté le travail; deux sont venus durant leur congé. L’unité entre le SSP et la FEDE a joué un rôle décisif. Pour la suite, il faudra voir l’avancée des négociations. Et il y aura un gros travail d’information à faire.»

Cristiano, aide-cuisinier à l’Hôpital fribourgeois: «Avec le projet actuel, je toucherais près de 700 francs en moins par mois à la retraite. C’est toujours nous qui devons payer. C’est pour cela que j’ai débrayé. Dans l’hôpital, la peur régnait le 30 avril. Nous avons reçu de nombreux mails nous menaçant de sanctions. Mais la réussite du débrayage nous a renforcés. Je pense que s’il y a une nouvelle journée de mobilisation, nous serons plus nombreux.»

Stéphanie, lectrice à l’Université: «J’ai assisté aux pré-négociations et aux deux premières séances de «négociation» sur le projet. J’ai été frappée par la stratégie dilatoire de la délégation du Conseil d’État. On sentait que seule une mobilisation nous permettrait d’obtenir des améliorations. À l’Université, ce débrayage était une première. Il a été bien suivi, tant par le corps administratif et technique que par les collaborateurs/-trices scientifiques et les professeur-e-s. Si le Conseil d’État ne revoit pas sérieusement sa copie, je pense qu’il faudra organiser une journée de grève.»

Yannik, professeur au Cycle d’orientation du Belluard: «Je participe au débrayage en solidarité avec les collègues plus âgés, pour lesquels le projet actuel entraînerait de fortes baisses de rentes. Il me reste 40 années à travailler. En me mobilisant aujourd’hui, j’ai aussi l’espoir de maintenir nos acquis. Si le Conseil d’État ne revient pas sur sa copie, je suis prêt à refaire grève. Ce n’est pas avec des menaces qu’on nous empêchera de défendre nos droits.» ◼

Gaétan Zurkinden. Secrétaire SSP. Région Fribourg
Eric Roset. Photo
Services publics, 10 mai 2019

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