Le travail au féminin paie mal

Les salaires sont structurellement plus bas dans les professions où les femmes sont majoritaires, démontre l’USS dans une étude (1). En Suisse, des centaines de milliers de femmes sont payées au lance-pierres: plus d’une travailleuse sur deux gagne moins de 4200 francs mensuels (treizième salaire compris); une sur quatre touche 2500 francs par mois ou moins. Le temps partiel, qui touche 77,9% des salariées – conséquence des tâches domestiques et d’éducation, non rémunérées, qui continuent à reposer sur leurs épaules – est un facteur explicatif de cette précarité au féminin.


Mais ce n’est pas le seul. Une récente étude de l’Union syndicale suisse en souligne une autre cause majeure, souvent esquivée: les professions féminisées paient moins que les autres.

DÉVALORISATION SYSTÉMATIQUE. Premier constat: les professions majoritairement occupées par des femmes sont structurellement moins bien rémunérées. Même après avoir conclu un apprentissage, quatre femmes sur dix touchent un salaire inférieur à 5000 francs mensuels pour un temps plein. Et 25% des travailleuses ayant décroché un diplôme de formation professionnelle gagnent moins de 4500 francs. Plus la proportion de femmes est élevée dans une branche économique, plus la part de personnel qualifié percevant un salaire inférieur à 5000 francs est importante. Dans les salons de coiffure, les instituts de beauté et autres prestataires de services aux personnes, où trois employées sur quatre sont des femmes, plus de 60% des salariées touchent par exemple un salaire inférieur à 5000 francs.

LA PRÉCARITÉ, UNE NORME. Les bas salaires sont très répandus dans les emplois de services occupant une majorité de travailleuses: vente, crèches, secteur de la santé, hôtellerie-restauration, coiffure et soins de beauté. «Même formées, les assistantes socio-éducatives, les vendeuses, coiffeuses, les assistantes en pharmacie ou les employées de service gagnent souvent moins de 5000 francs par mois», constate l’USS. Une situation qui condamne des centaines de milliers de femmes à la précarité – ou la dépendance. C’est le cas par exemple pour les employées dans la vente, où le salaire médian se situe à 4194 francs mensuels – et où 10% des travailleuses-eurs ne touchent que 3599 francs pour un temps plein.

UNE EXPÉRIENCE PEU VALORISÉE. Plus bas, les salaires au féminin évoluent aussi plus lentement. En effet, les suppléments liés à l’expérience et à l’ancienneté sont moins élevés chez les travailleuses. Conséquence: même après de nombreuses années de service, un pourcentage élevé d’employées ayant conclu un apprentissage gagnent toujours moins de 5000 francs par mois. Une caractéristique particulièrement marquée dans le secteur de l’hôtellerie-restauration, où une salariée entrant dans la cinquantaine ne gagne pas plus que ses collègues âgées de 20 à 25 ans. Autre désavantage subi par des milliers de professionnelles – notamment les coiffeuses, esthéticiennes et certaines vendeuses: le treizième salaire reste un rêve inaccessible.

LE PRIVÉ FAIT MOINS BIEN. La corrélation entre profession féminisée et bas salaires, ainsi que la faible reconnaissance de l’expérience sont plus marquées dans le secteur privé que dans le public, précise l’enquête syndicale. Dans les secteurs de la santé et de l’action sociale, où l’on trouve une majorité de femmes, la rémunération du personnel qualifié est ainsi nettement plus basse dans le privé qu’au sein des établissements publics. Exemple: le salaire médian des salarié-e-s s’occupant d’enfants, de personnes âgées ou en situation de handicap est de 4495 francs à temps plein dans une institution privée, contre 5277 francs dans le public. Un plaidoyer contre la privatisation!

DES MESURES S’IMPOSENT. «Le déficit salarial des femmes ne vient pas uniquement du fait qu’elles sont nombreuses à travailler à temps partiel – souvent contre leur gré. C’est aussi une conséquence de la dévalorisation historique des métiers féminins», conclut l’USS. Pour sortir de l’ornière, la centrale syndicale avance plusieurs revendications: le droit à un salaire mensuel de 5000 francs pour chaque salarié-e ayant décroché un apprentissage; la fixation d’un salaire minimum de 4500 francs par mois pour toutes et tous; le versement généralisé d’un treizième salaire; le renforcement de la lutte contre la discrimination salariale, avec des analyses salariales obligatoires pour toutes les entreprises et des sanctions en cas de discrimination; la mise sur pied d’un véritable service public de l’enfance; une augmentation des investissements dans le service public, notamment dans l’accueil de l’enfance, la santé et l’action sociale. ◼

(1) USS: Une analyse des salaires des travailleuses et des travailleurs en Suisse. Première partie. Dossier N°156, mai 2023.

SSP, Services publics, 2.06.2023

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