Un pavé dans la mare climatique

Ensemble à gauche propose un catalogue de mesures pour lutter pour le climat, de la gratuité des transports publics au désinvestissement des énergies fossiles. «La politique des petits pas ne peut plus nous satisfaire», estime le député Jean Burgermeister.

Au Grand Conseil genevois , Ensemble à gauche veut mettre au défi les autres partis genevois sur la question climatique. Alors que les dernières mobilisations populaires ont permis de remettre cet enjeu au centre de la scène politique, le député EàG Jean Burgermeister déposera lundi un projet de loi comprenant de nombreuses mesures en faveur de l’environnement ainsi que des objectifs de limitation des émissions de gaz à effet de serre.

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Un catalogue radical qui aurait un coût, estimé «à la louche» à au moins un milliard de francs par an pour l’Etat. «C’est le strict nécessaire si on veut répondre de façon sérieuse à l’urgence climatique», précise l’auteur du texte. De quoi refroidir les autres formations parlementaires?
Du concret sur la table

Avec ce projet de loi, Ensemble à gauche veut apporter du concret sur la table. Un choix exprimé à travers plusieurs mesures urgentes. En matière de mobilité, le groupe propose la gratuité des transports publics et l’augmentation de l’offre, des feux de circulation donnant la priorité absolue aux modes de transports durables et l’interdiction du trafic individuel motorisé dans l’hypercentre.

Le texte prévoit une baisse de 50% de l’espace alloué aux voitures et une augmentation d’au moins 35% des déplacements effectués en transports publics.

Les mesures touchent aussi la consommation, avec la limitation des achats de viande et de poisson par les entités publiques, l’encouragement du local et du bio. Elles visent le désinvestissement total des fonds gérés par des institutions publiques, Banque cantonale comprise, des énergies fossiles et produits polluants.

Le projet d’Ensemble à gauche instaurerait également une plus grande solidarité internationale en consacrant 5% du budget de l’Etat (400 millions de francs) à des projets de réparation des dégâts causés par la crise climatique dans les pays du Sud.
Des mesures insuffisantes

«Bien souvent, le sujet du climat n’est abordé que par des discours généraux et des déclarations de bonnes intentions, écrit Jean Burgermeister dans son projet de loi. Les mesures concrètes qui sont votées par le parlement sont d’une ampleur largement insuffisante et, la plupart du temps, n’obtiennent une majorité que lorsqu’elles ne contreviennent à aucun intérêt privé. La politique des petits pas ne peut plus nous satisfaire.»

Le projet fixe aussi une série d’objectifs contraignants. Les principaux: le canton doit diminuer ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 65% d’ici à 2030 et atteindre la neutralité carbone d’ici à 2040.

A titre de comparaison, les objectifs actuels de l’Etat prévoient une baisse des émissions de CO2 de 40% d’ici à 2050, sans toutefois prendre en compte le trafic aérien. De son côté, Ensemble à gauche demande une diminution de 50% des émissions de l’aéroport.

Une baisse de 65% est aussi requise dans le domaine des bâtiments, avec un effort porté sur le chauffage et l’isolation «sans répercussion sur les loyers». Ces objectifs chiffrés ne se concrétiseront pas par une simple inscription dans la loi. Ils sont, selon Jean Burgermeister, une première étape qui doit être suivie par des lois plus précises. «La mobilisation populaire peut aussi maintenir la pression sur le gouvernement afin qu’il les respecte.»

Au niveau du financement, Ensemble à gauche avance la création d’un fonds «urgence climatique», alimenté notamment par les impôts sur les entreprises, l’immobilier, les successions ou encore les véhicules à moteur. Le parti veut limiter le recours à l’imposition des personnes physiques et éviter l’instauration de taxes antisociales qui empêchent l’adhésion de la population.
«Pointer les contradictions»

Jean Bugermeister semble se faire peu d’illusions sur les chances d’un tel projet de loi d’obtenir une majorité. Son coût de mise en œuvre et certaines mesures clivantes devraient dissuader certains partis. «Nous mettrons en lumière des contradictions. Le PDC, par exemple, dit qu’il s’est verdi ces dernières années. J’aimerais qu’il assume son positionnement.»

Justement, que pense la démocrate-chrétienne Delphine Bachmann de ce projet de loi? «C’est du pur dogmatisme à la sauce Ensemble à gauche. Tout est mélangé. On a inclus plusieurs mesures, dont certaines sont irréalisables, pour bien passer devant la population, mais il n’y a aucune estimation des coûts, aucune piste sérieuse de financement. C’est finalement très peu constructif.»

La députée relève que la commission de l’environnement et de l’agriculture du Grand Conseil étudie en ce moment une motion du député écologiste Jean Rossiaud, qui vise l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2030. «Nos travaux sont intéressants et devraient bientôt aboutir. Mais les experts relèvent que, dans certains domaines, on ne peut pas aller plus vite. On ne va pas éteindre tous les chauffages à mazout du jour au lendemain. Je partage les préoccupations d’Ensemble à gauche, pas ses méthodes.»

Ce vendredi, une nouvelle grève des jeunes pour le climat est prévue. Ce mouvement a déjà obtenu des répercussions au niveau politique. Récemment, les cantons de Vaud, Bâle-Ville, Zurich et la Ville de Genève ont déclaré l’état d’urgence climatique.

Le Courrier, 23 mai 2019, Eric Lecoultre
Photo : KEYSTONE

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