Un soutien aux assurés nécessaire

Les Genevois se prononceront le 19 mai sur l’initiative de la gauche pour limiter les primes d’assurance-maladie à 10% du revenu. Un contre-projet lui est opposé. La thématique du soutien aux assurés a été politiquement liée au vote sur la réforme fiscale des entreprises.


Il s’agirait, selon la majorité du Grand Conseil, d’une contrepartie à la baisse d’impôt en faveur des sociétés, à l’image du paquet ficelé qui réunit fiscalité et financement de l’AVS au niveau fédéral avec la RFFA. Légalement, toutefois, rien ne lie le sort de l’initiative de la gauche pour le plafonnement des primes d’assurance-maladie et son contre-projet à celui de la réforme fiscale cantonale. En cas de oui le 19 mai, les charges mensuelles de certains ménages genevois pourraient être allégées.

Les partis de gauche ont lancé leur initiative en 2017 afin de répondre à un problème majeur: l’augmentation, d’année en année, des primes d’assurance-maladie et la difficulté pour certains ménages d’assumer ces charges. On relève notamment une augmentation de 159% en vingt ans. Certaines familles genevoises consacrent entre 20 et 25% de leurs revenus au paiement des frais de santé.

La solution préconisée par la gauche a le mérite de la clarté: limiter les charges d’assurance-maladie à 10% des revenus des ménages (lire ci-dessous). Cette initiative ne fait donc pas baisser les montants des primes, mais comble la différence par le biais d’aides octroyées par l’Etat aux assurés. Le canton de Vaud a adopté un dispositif similaire en 2016, en guise de contrepartie à la réforme de l’imposition des entreprises (RIE III).

«Le poids des primes dans le budget des ménages est un problème majeur pour de nombreuses personnes», relèvent les initiants, qui entendent aider efficacement les familles de la classe moyenne grâce à cette réforme. Des assurés choisissent par ailleurs des franchises élevées afin de baisser le montant de leurs primes. Une part de la population renonce ainsi à se rendre chez le médecin pour des raisons économiques, relève le comité d’initiative, qui juge cette situation inacceptable.

Un milliard en 2030

Si le principe est ambitieux, son coût fait bondir la droite et le Conseil d’Etat. Il est estimé par l’administration à environ 450 millions de francs lors de sa première année de mise en œuvre. Et avec l’augmentation attendue des primes, il pourrait atteindre 1 milliard à l’horizon 2030. Cette initiative est-elle trop chère? «Cet argument de la droite est toujours ressorti lorsqu’il s’agit de répondre à une urgence sociale, mais moins au moment d’accorder une baisse d’impôts aux entreprises», rétorque Jocelyne Haller, députée d’Ensemble à gauche (EàG).

L’exécutif cantonal combat l’initiative de la gauche et prévient que sa mise en œuvre pourrait impliquer la diminution, voire la suppression, d’autres prestations sociales. Les élus au Grand Conseil ont choisi d’élaborer un contre-projet. Ils ont mené leurs travaux dans l’urgence afin de pouvoir soumettre ce texte en même temps que la RFFA. Ils n’ont pas repris le principe d’un plafonnement des charges, mais ont préféré développer le système actuel des subsides d’assurance-maladie en élargissant considérablement le cercle des bénéficiaires et en augmentant les aides (voir le barème actuel et celui du contre-projet ci-dessous).

Avec ce contre-projet, l’effort financier n’est pas négligeable et s’élève à 186 millions de francs (une somme identique aux pertes cantonales attendues avec la réforme de la fiscalité des entreprises pour la première année). Une somme qui s’ajoute au budget actuel dévolu aux subsides, soit 335 millions. Le nombre d’assurés qui toucheraient une aide s’élèverait à 140 000, contre 53 000 aujourd’hui. Si les classes défavorisées bénéficieraient le plus de cette hausse des aides, des subsides pour enfants et jeunes adultes sont prévus pour des ménages dont les revenus avoisinent les 150 000 francs. Une façon d’atteindre les fameuses familles de la classe moyenne, régulièrement citées dans les discours des élus de tous les bords politiques.

Mieux cibler les besoins

Si la gauche appelle à voter en faveur des deux textes, elle invite à choisir l’initiative dans la question subsidiaire. «Notre initiative fixe un principe clair et universel qui s’applique à toute la population sans discrimination», explique Jocelyne Haller, qui précise que le contre-projet représenterait tout de même une aide bienvenue pour les personnes les plus précaires.

Le PLR, le PDC et le MCG soutiennent le contre-projet et préconisent un refus de l’initiative. «Nous devons répondre à une urgence sociale, estime Bertrand Buchs, député PDC. Le contre-projet cible mieux les besoins.» Les opposants à l’initiative estiment qu’elle touche notamment des familles avec des revenus confortables qui peuvent se passer d’un subventionnement étatique. La droite entend donc augmenter les charges sociales de l’Etat de 186 millions? «Cette somme permet d’augmenter le pouvoir d’achat de la population, répond M. Buchs. Ces gens vont dépenser cet argent et il reviendra d’une manière ou d’une autre à l’Etat.» Quant à l’UDC, elle appelle à rejeter les deux textes. «Ce ne sont que des emplâtres qui ne règlent pas le problème principal», justifie Marc Fuhrmann, député UDC.

Subventionner les assureurs

Si les positions divergent, tous les partis s’accordent pour regretter une des principales conséquences en cas d’acceptation de l’un des deux textes: des millions d’argent public seraient reversés aux assureurs privés par le biais des subsides. «Ce n’est évidemment pas ce que nous recherchons, admet Jocelyne Haller. Mais doit-on pour autant dire à la population de se débrouiller? Ces aides doivent permettre de soutenir les assurés en attendant de pouvoir réformer en profondeur le système suisse de l’assurance-maladie.» Après l’abandon de deux initiatives fédérales, le dossier est au point mort à Berne. «Mais la réflexion est en cours dans les cantons», affirme l’élue d’EàG.

«Si l’initiative de la gauche passe, tout le monde ne payera que 10%, la pression populaire diminuera et on ne règlera pas le problème de fond», ajoute Bertrand Buchs, qui prône également une réforme de la LAMal afin de donner davantage de marge de manœuvre aux cantons. L’élu UDC Marc Fuhrmann le rejoint en partie: «Nous ne sommes pas favorables à augmenter le nombre de personnes qui touchent des subventions, mais je reconnais qu’une partie importante de la population peine à payer ses primes. A l’avenir, on devra certainement se diriger vers un système de santé davantage public.» Sur ce point, ce député ne représente pas la majorité de son parti.

Le principe de l’initiative

L’initiative de la gauche n’établit pas un nouveau barème, mais un principe. Elle vise à ce que la charge de la prime d’assurance-maladie ne dépasse pas 10% du revenu d’un ménage. Ce calcul est effectué en prenant en compte la prime moyenne cantonale, fixée chaque année par l’Office fédéral de la santé publique (en 2019, cette prime s’élevait à 598 francs pour un adulte, franchise à 300 francs et couverture accident). Ce montant est plus élevé que la prime moyenne réelle à Genève car la majorité des assurés choisissent des franchises plus hautes. C’est le revenu déterminant unifié (RDU, montant calculé sur la base du revenu et de la fortune) du ménage qui est pris en compte, comme pour la plupart des prestations sociales délivrées par le canton. ELE

Le Courrier, 1 mai 2019, Eric Lecoultre

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