Convoyage : Échec à la privatisation !

Le conseiller d’État (PLR) Pierre Maudet doit mettre un terme à l’externalisation du convoyage des détenus. Pour le SSP, c’est l’aboutissement d’un rude combat. Interview.


La ténacité a payé. Le 3 novembre, le Grand Conseil genevois a décidé de mettre le holà à l’externalisation du service de convoyage et de surveillance des détenus, imposée il y a une année par le conseiller d’État (PLR) Pierre Maudet. Ce dernier devra ré-internaliser ce service dans un délai de cinq ans. Cette décision est l’aboutissement d’une lutte politico-syndicale de dix-huit mois. Questions à José, assistant de sécurité publique (ASP), militant SSP et cheville ouvrière de ce combat victorieux contre la privatisation.

Comment s’est passé le processus de privatisation ?
José – Il y a une année et demi, nous avons été convoqués du jour au lendemain par notre hiérarchie. Cette dernière nous a communiqué que le service de convoyage des détenus allait être externalisé et confié à une entreprise privée. Conséquence : vingt à trente ASP allaient passer du service de convoyage à la garde des ambassades. Concrètement, les responsables des ressources humaines nous ont invité à postuler pour une autre affectation, nous laissant sous-entendre que celui qui refuserait pourrait se retrouver dans une situation difficile. Ils nous ont aussi affirmé que nous devions nous estimer satisfaits, parce qu’il n’y aurait pas de licenciement et que nous garderions les mêmes salaires. Personnellement, j’ai été révolté par cette décision. On voyait clairement que la motivation principale de M. Maudet était de confier une tâche régalienne à du personnel privé, moins bien formé et beaucoup moins bien payé. Cela s’appelle du dumping salarial. Autre problème : la privatisation d’un service entier de l’État créait un précédent très inquiétant pour l’ensemble de la fonction publique.

Quelle a été la stratégie syndicale contre ce projet ?
Nous avons d’abord mobilisé le personnel, notamment en organisant une manifestation. Cela n’a pas été facile. En 2014, nous nous étions mobilisés pour demander l’équité de traitement avec nos collègues policiers et le paiement des heures supplémentaires. M. Maudet a répondu à notre mouvement en imposant de lourdes sanctions financières à vingt-et-un ASP. Depuis, les collègues ont peur de se mobiliser. La perspective de garder un emploi, avec des conditions salariales similaires, a aussi tempéré les ardeurs. Nous avons donc suivi une autre stratégie : d’abord, dénoncer médiatiquement les conséquences de l’externalisation – le dumping salarial, la porte ouverte à d’autres privatisations, mais aussi les problèmes de sécurité qu’allait poser la délégation de cette tâche délicate au privé. Nous avons aussi cherché des soutiens politiques. Cela s’est traduit par un projet de loi, déposé par le Parti socialiste (PS), qui interdit la privatisation du convoyage. Ce texte est actuellement discuté en commission. En parallèle, le Grand Conseil a mis en échec la tentative, par M. Maudet, de graver l’externalisation du transport des détenus dans la Loi sur l’organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires (LOPP). Conséquence : M. Maudet va devoir ré-internaliser ce service. C’est une belle victoire.

Entretemps, M. Maudet a essayé de passer en force…
Oui. M. Maudet a joué la montre. Le projet de loi contre la privatisation a traîné durant une année dans les tiroirs de la commission judiciaire du Grand Conseil. En parallèle, il a multiplié les manœuvres pour essayer de passer en force : rattachement du convoyage à l’Office de la détention plutôt qu’à la police, changement de nom du service, etc. En novembre 2015, le conseiller d’Etat a carrément court-circuité le processus démocratique en confiant le convoyage à l’entreprise privée Securitas SA, avant même que le Grand Conseil débatte du projet proposé par le PS. Rapidement, de gros problèmes ont éclaté au grand jour : les employés de Securitas touchaient des salaires nettement plus bas que les ASP, et certains ont dénoncé dans la presse leur manque de formation et les problèmes de sécurité qui en découlaient ! Ils ont ensuite été remis à l’ordre par leur employeur, qui les a convoqués pour leur dire que s’ils faisaient trop de bruit, ils risquaient de se retrouver au chômage…

Quelle leçon tirer de cette victoire ?
Elle montre d’abord qu’il est possible de stopper un processus de privatisation. Cela à l’heure où l’État multiplie les mesures d’économies et où les tentatives d’externalisation-privatisation se multiplient à tous les niveaux : éducation, santé, etc. L’expérience du convoyage a aussi montré clairement les conséquences de telles décisions : la dégradation des conditions de travail et de salaire des employés, mais aussi celle des prestations fournies. Par notre bataille, nous avons aussi montré que l’État-employeur ne peut pas faire ce qu’il veut : il doit tenir compte du point de vue des salariés qui travaillent à son service. Mais nous devons rester très attentifs. M. Maudet va tout faire pour continuer à privatiser de larges secteurs de l’Etat. Et sa politique répressive rend plus difficiles l’organisation et la mobilisation des salariés. Cela reste un grand défi à relever pour notre syndicat.

Guy Zurkinden. Rédacteur

Article paru dans Services Publics no 19 du 2 décembre 2016, par SF

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