Motus sur les vraies causes de la hausse des primes

Données manquantes, dispersées ou publiées trop tard: l’évolution des coûts de la santé n’est pas documentée de manière satisfaisante. Une information claire permettrait de mieux questionner les hausses de primes.
Coûts de la santé: en un an, les prix de la santé ont diminué de 0,3%. Les assureurs annoncent de fortes hausses malgré tout.

Secrets bien gardés

Début avril, alors que les assurés venaient d’encaisser la hausse des primes 2023, la faîtière des caisses maladie Santésuisse annonçait déjà une nouvelle augmentation de 6% à 7% pour l’an prochain. Fin mai, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) confirmait une hausse inquiétante des coûts de la santé au premier trimestre: les assurés devront bel et bien remettre la main au porte-monnaie. Pour justifier des chiffres qui ne cessent de grimper, les explications sont mal étayées. Année après année, les assurés doivent se contenter des déclarations intéressées des acteurs du système de santé. Bon à Savoir a recherché les véritables raisons de la hausse des coûts… et découvert que des données essentielles, qui devraient être accessibles, ne le sont pas.

Le vieillissement pèse peu sur les coûts

Une hausse des coûts de la santé trouve son origine dans l’augmentation des tarifs ou de la quantité de biens et prestations de santé consommés, indique l’Office fédéral de la statistique (OFS). Or l’indice des prix à la consommation (IPC) de mai 2023 fait état de baisses ou de stagnations des principaux tarifs de biens et services sur un an, secteur hospitalier stationnaire mis à part (+2%). Dans l’ensemble, les prix de la santé ont diminué de 0,3%.

Le facteur responsable de la hausse des coûts est donc la quantité de prestations fournies. Problème: cet «effet volume» demeure très peu documenté. Le nombre de consultations, séjours hospitaliers ou médicaments vendus a-t-il augmenté en raison de la croissance de la population, d’une plus grande consommation par les payeurs de primes, du vieillissement démographique, d’autres raisons encore? Les statistiques n’en disent rien. Ce qui n’empêche pas l’OFSP de faire du vieillissement démographique l’une des «deux raisons essentielles» de la hausse des coûts: «Une population âgée recourt davantage à des prestations médicales.»

Bon à Savoir a justement demandé à l’OFS de calculer la part du vieillissement et de la croissance de la population dans la hausse des coûts de la santé: entre 2020 et 2021, le vieillissement ne peut expliquer que 7% de l’augmentation, et la croissance de la population 13%… Sans compter que cette dernière induit aussi des recettes, puisque le nombre de payeurs de primes augmente. Si l’OFS ne s’est pas fondé sur une période plus récente, c’est parce que les données consolidées accusent systématiquement un à deux ans de retard, un autre problème majeur. Quand on peut enfin consulter les tableaux en ligne, après examen et validation des données, ils n’intéressent plus grand-monde. La hausse des primes sera annoncée à l’automne, mais les chiffres détaillés 2023 ne seront pas publiés avant 2024 ou 2025.

Source des données pointée du doigt

Pour offrir une vue actuelle sur l’évolution des coûts de la santé, l’OFSP surveille les coûts à la charge de l’assurance obligatoire des soins et publie les données d’un trimestre à l’autre. En analysant ce que chaque assuré paie par groupes de prestataires, on arrive à déduire (difficilement) que la hausse qui pèse le plus sur l’évolution des coûts de la santé, par rapport au premier trimestre 2022, concerne les séjours hospitaliers: ce secteur représente 20% de la facture totale et ses coûts ont progressé de 15,9% sur un an.

Impossible toutefois d’éclairer le pourquoi de cette augmentation. Le poids des tarifs et du volume des prestations fournies reste inconnu. A cela s’ajoute que les données du monitoring proviennent exclusivement de la société SASIS SA, détenue par Santésuisse. SASIS SA les anonymise et les agrège avant de les livrer à l’OFSP, qui la rémunère 240 000 fr. par an pour ces travaux. Le procédé avait créé un tollé au Parlement. En 2021, des élus ont exigé dans plusieurs interventions que les assureurs fournissent toutes les données utiles à l’office pour ses tâches, de manière «gratuite et complète». Le but étant de prévenir tout conflit d’intérêts ou accord, notamment sur ce qui peut être publié ou non.

Actuellement, l’OFSP examine quelles données supplémentaires lui seront fournies par les assureurs. D’ici là, le contrat avec SASIS SA se poursuit dans les mêmes conditions.

Le rôle flou du progrès médical

L’autre «raison essentielle» de la hausse des coûts de la santé, selon l’OFSP, réside dans le progrès médico-technique, soit «le développement de prestations toujours plus performantes et plus chères». En général, les évolutions technologiques permettent à terme de réduire les coûts. Elles apportent des gains en temps et allègent les dépenses de matériel. On sait que chez nombre de médecins spécialistes, par exemple, la longueur des consultations diminue et que leur quantité augmente, pour un même nombre d’heures de travail. Mais cela ne se traduit pas par des baisses de tarifs, au contraire (voir ci-dessus).

Mieux connaître le rôle du progrès médical dans le système de santé paraît essentiel. L’OFS assure ne pas réussir à isoler cette variable dans l’évolution des coûts, et que seules des hypothèses ont pu être formulées jusqu’ici. De même, peu de données existent concernant le poids de la santé dans la consommation des ménages. On sait toutefois que la part des dépenses de santé dans le panier-type est restée stable depuis 2016, entre 15% et 16% du total, si l’on isole l’effet de rattrapage induit par le covid.

Gilles D’Andrès, Bon à savoir 07-2023

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