Bus gratuits pour moins de voitures ?

Le Conseil d’État ne veut pas de la gratuité des transports publics. De son côté, le comité d’initiative juge les propositions de l’exécutif insuffisantes au vu de l’urgence climatique. L’exécutif estime que le seul moyen d’inciter la population à préférer le bus ou le train à la voiture consiste à investir dans la desserte et l’attractivité.

Pas de billets, pas de contrôles… Neuchâtel sera-t-il le premier canton à bénéficier de transports publics gratuits en Suisse? Le sujet est dans l’air du temps…Sept villes françaises l’ont introduites dès 2018. L’an dernier, Le Luxembourg y adhérait. L’objectif: réduire la congestion routière, la pollution et les nuisances sonores.

A Neuchâtel, le débat a refait surface cette semaine, après que le gouvernement ait annoncé qu’il s’opposait à l’initiative «pour des transports publics gratuits» déposée en février 2018. Le parlement a désormais une année pour se prononcer. Les député·es peuvent, soit directement adopter une loi ou un décret en ce sens, soit soumettre la proposition au peuple.

Charges insupportables

Le Conseil d’État ne l’entend pas de cette oreille. Il dénonce un report de charges insupportable pour les collectivités. Il propose à la place d’abaisser le prix de l’abonnement junior et certains billets. Dans un rapport, le gouvernement rappelle que «la gratuité des transports publics n’existe pas dans l’absolu.» Il estime que le seul moyen d’inciter la population à préférer le bus ou le train à la voiture consiste à investir dans la desserte et l’attractivité. De plus, il redoute que ce projet alourdisse la facture des contribuables et encourage l’exode fiscal, bête noire des autorités depuis plusieurs années. L’exécutif rappelle que deux tiers des coûts des transports publics sont déjà à la charge des contribuables. Il estime que le surcoût induit par la gratuité reviendrait à 43 millions par an et que ces dépenses fragiliseraient le développement de nouvelles infrastructures.

Des arguments qui ne convainquent pas le comité d’initiative. Dans un communiqué, il se dit déçu par ce rapport qui n’explore pas suffisamment les pistes évoquées par le projet Il regrette également de ne pas avoir été consulté pour la mise en œuvre du contre-projet dont il juge les propositions «tout à fait insatisfaisantes».

D’autres financements

Les initiants déplorent notamment que le gouvernement n’ait pas considéré l’ensemble des options de financement proposées. Dans son rapport, le Conseil d’État envisage un plafonnement des déductions fiscales pour frais de transports à 3000 francs. Or, il conclut que cette mesure serait insuffisante car elle ne permettrait de rapporter que 15 millions.

La proposition du comité consiste à supprimer toute déduction fiscale pour frais de transports, qu’il considère comme une «forme de subvention à la mobilité individuelle.» D’après ses estimations, cela représenterait une économie annuelle de 45 millions, davantage que la vente des billets estimée à 43 millions. Le comité d’initiative regrette également que le coût de la billetterie et des contrôles ait été négligés dans le rapport ou une taxe sur les parkings.

D’autres considérations sont venues enrichir le débat lors du débat organisé par l’Université de Neuchâtel. Mireille Tissot-Daguette, nouvelle co-présidente des Vert’libéraux, a proposé d’étudier des soutiens privés pour financer certaines lignes. «Certaines entreprises pourraient payer pour le transport de leurs employés ou financer la desserte des clients vers des centres commerciaux.» D’autres ont déploré une inégalité de traitement envers les habitants des périphéries actuellement peu desservies par les bus ou les trains. «Avant de penser à la gratuité, il faudrait d’abord harmoniser l’offre dans le canton», a lâché, Olaf Makaci, conseiller communal socialiste à Cornaux «Sinon certains contribuables paieront davantage pour aucune prestation.»

Pas la panacée écologique

D’autres voix ont fait valoir que la gratuité n’était pas la meilleure solution pour encourager le passage de l’automobile aux transports publics. «Aucune étude ne prouve la baisse des voitures dans les lieux où la gratuité a été instaurée», a avancé Christophe Jemelin, des Transports publics lausannois, invité au débat. «La qualité de l’offre et la desserte a un impact beaucoup plus important sur la fréquentation que la gratuité.» Des arguments qui avaient fait mouche dans le canton de Vaud. Le comité d’initiative reste pourtant de la pertinence de sa proposition. «La campagne s’annonce animée. Nous la mènerons avec force et conviction», a ajouté Solidarités.

Beaucoup d’échecs

Jusqu’à présent, toutes les initiatives pour la gratuité des transports publics ont échoué. En 2004, la ville du Locle a refusé à 74 % un projet en ce sens. A Genève, la population a refusé en 2008 à 67,2 % une initiative exigeant que les TPG deviennent gratuits. Enfin, dans le canton de Vaud, les députés ont rejeté une initiative sur la gratuité des transports en mars dernier. En revanche, une initiative similaire a été déposée le 2 décembre dans le canton de Fribourg.
L’Université de Neuchâtel y consacrait mercredi un café citoyen en ligne où moult idées ont été proposées pour financer cette proposition ambitieuse. Laurent Debrot, président du comité d’initiative et député vert au Grand Conseil y défendait la gratuité comme une alternative au revenu de base universel. Pour lui, ce projet contribuerait à «un meilleur partage des richesses et un équilibre social favorisant le vivre ensemble». JJT

Le Courrier, 28 janvier 2021, Julie Jeannet

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