Quatre mille fonctionnaires dans la rue à Genève

Plusieurs milliers d’employé·es de l’État sont descendu·es jeudi dans la rue pour défendre la fonction publique et protester contre le budget d’austérité du Conseil d’État. Employés·e de l’État et syndicats protestent contre le budget 2026.
Après la manifestation du personnel de la Ville en début de semaine, c’est autour des employé·es du canton, et du secteur subventionné, de battre le pavé.

Avec toujours en ligne de mire, un projet de budget 2026 qui acte la coupe des annuités, l’absence d’indexation des salaires ainsi que le gel de tout nouveau poste, etc. Une attaque en règle sur la fonction publique, selon bon nombre de manifestant·es.

Signe d’une réelle exaspération, jeudi en fin d’après-midi, plus 4000 personnes se sont donc réunies à l’appel du Cartel intersyndical, au Parc des Cropettes, derrière la gare. Avant de défiler bruyamment dans la rue pour dénoncer le projet du Conseil d’Etat qui prévoit un train de mesures d’économies que goûtent assez peu les collaborateur·rices de l’État. «Aux HUG, cela fait un bon moment que lorsque des collègues sont absentes ou malades, elles ne sont pas remplacées, raconte Christine, infirmière. Nous sommes à la limite de l’épuisement, et ils veulent encore couper dans les budgets ? C’est insensé… »

Sur le pont du Mont-Blanc, un syndicaliste du SIT, micro en main, invite les manifestant·es à contempler le coucher de soleil, «le dernier sur ce gouvernement et son budget». C’est que la date du 11 décembre n’avait pas été choisie au hasard. Jeudi, les député·es étaient en effet réunis au parlement pour le débat budgétaire 2026. Mais voilà. La manifestation avait à peine débuté, qu’à quelques coups de ciseaux dans les prestations sociales de là, la droite du parlement enterrait en grande pompe ce fameux budget proposé par le gouvernement. Cette démonstration bruyante des fonctionnaires, un coup d’épée dans l’eau? Loin s’en faut selon une participante. «Il est important de montrer notre froide colère aux député·es et au Conseil d’État, et aussi de sensibiliser la population. Qu’elle n’oublie pas que sans notre travail, il n’y a pas de prestations dignes de ce nom.»

Geneviève Preti, coprésidente du cartel intersyndical, ne dit pas autre chose. Pour elle, ce refus d’entrer en matière du Grand Conseil va «renforcer la mobilisation».

«Véritable casse sociale»

Les fonctionnaires entendent surtout ne pas fléchir face à la majorité de droite du Grand Conseil, qui semble déterminée à tailler à la hache dans les dépenses publiques. Les syndicats réclament 2,5% d’indexation, un rattrapage calculé depuis 2021. Mais pas seulement. «Au-delà de ces aspects techniques comme les annuités, importants certes, c’est bien les prestations qui sont touchées», tempête Michel, un enseignant du secondaire. «C’est une véritable casse sociale à laquelle on assiste. Qui ne date pas d’aujourd’hui». Et le professeur de s’interroger: «Est-ce que les citoyens de ce canton ont bien compris que l’on ne défend pas seulement notre travail, mais surtout des prestations fondamentales?»

Très en jambes, les manifestant·es ont copieusement conspué tout au long du parcours le Conseil d’Etat qui s’échine à concocter un budget 2026 faisant la part belle à «un démantèlement de fonction publique». Le tout assaisonné par le sentiment que les travailleurs et travailleuses sont toujours la variable d’ajustement lors des petits temps maussades des finances de l’Etat. Pour Geneviève Preti, «la population subira de plein fouet les conséquences de ces coupes!» Nathalie Fontanet, la grande argentière cantonale, a eu plus d’une fois les oreilles qui sifflent. Rapport aux mesures d’économies d’environ 500 millions que le Conseil d’Etat entend réaliser à moyen terme. «Il est temps de revenir à un équilibre budgétaire avec des recettes fiscales», estime le Cartel syndical. Selon ce dernier, les baisses d’impôts depuis 1999 «correspondent à plus de 2 milliards de manque dans les caisses».

Des pressions pour dissuader de faire grève

Dans le cortège, le bruit a couru ça et là que d’aimables pressions et intimidations avaient été employées pour tenter de «dissuader le personnel de faire grève», selon le Cartel intersyndical. Et de rappeler à l’adresse des responsables de certains services – et peut-être du Conseil d’État lui-même – que «le droit de faire grève est inscrit dans la Constitution fédérale.»

Arrivée à la Treille, terminus des doléances, quelques prises de parole se sont succédé. Dans la foule au pied de la Tour Baudet, Jean-Pierre, éducateur en école spécialisée, espère que ce mouvement de mécontentement général appellera d’autres protestations. «C’est un grand classique: on nous demande de faire toujours plus avec moins. Dans ma structure, il y a de plus en plus d’élèves en grandes difficultés d’apprentissage, avec le même nombre de professionnels, voire en diminution. Nos conditions de travail se péjorent, les adolescents en pâtissent, et le gouvernement regarde ailleurs…» se désole-t-il. Les syndicats, eux, n’envisagent pas de capituler. «Nous ne comptons pas abandonner nos revendications», a garanti Geneviève Preti. Le Grand Conseil et le Conseil d’État n’ont pas fini d’entendre parler des fonctionnaires.

Le Courrier, 11 décembre 2025, Marc Lalive D’Epinay

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