L’austérité décomplexée

Budget 2026 de l’État de Vaud
Le Conseil d’État a communiqué son projet de budget 2026. Comme annoncé depuis la publication des comptes 2024 au printemps passé, il contient des coupes de plus de 300 millions de francs. Le Conseil d’État reconduit les coupes déjà décidées pour 2025 et liées à la loi sur l’assainissement financier (les 79 millions) et y ajoute plus de 200 millions. Contrairement à ce qui nous est annoncé, ces coupes ne sont absolument pas nécessaires au vu de la situation financière et elles ne seront pas sans effet sur les prestations.

C’est un choix politique de la part du Conseil d’État, le choix de faire de la politique fiscale l’axe central de son action et d’y subordonner les prestations et les conditions de travail des services publics et parapublics. Comme déjà annoncé, le SSP Vaud combattra ces dégradations en organisant l’opposition avec toutes les forces qui veulent lutter contre le démantèlement des services publics et parapublics.

NI NÉCESSAIRE, NI INDOLORE. Le Conseil d’État justifie ce programme d’austérité par la « nécessité » de rétablir l’équilibre budgétaire. C’est faux pour trois raisons :
D’abord, comme l’affirme le Conseil d’État, les mesures 2026 ne sont plus liées à l’activation de la loi sur l’assainissement financier (sauf les 15 millions de coupes non-réalisées en 2025). Donc pas de nécessité légale. Ensuite, le canton de Vaud ne se trouve pas dans une situation financière difficile, avec un taux d’endettement de 0,71% et 500 millions de dettes contre une fortune de 2 milliards, il n’y a aucun péril financier. Enfin, corriger un déséquilibre peut se faire en agissant sur les deux côtés de la balance. Or le Conseild’État fait comme si augmenter les recettes n’était pas une option. Il fait même pire : Mme Luisier confirme aujourd’hui la nouvelle baisse d’impôts prévue pour 2026! Pas de nécessité de couper dans les charges mais un choix politique de construire les services publics et parapublics avec ce qu’il reste unefois que la politique fiscale a été arrêtée. Le SSP critiquait déjà cette politique annoncée dans le programme de législature, nous avons la preuve désormais que les fruits de cette politique sont indigestes.
Le Conseil d’État affirme que ces mesures n’affecteront pas les prestations. C’est faux, car cela voudrait dire que les plus de 300 millions coupés étaient en fait inutiles. Or, chaque franc d’un budget des services publics et parapublics « sert » à quelque chose, chaque fourniture en moins dans une école, dans un hôpital, dans un centre d’accueil impacte la prestation. Dire le contraire est un mensonge.
S’il y a des dépenses inutiles, elles sont peut-être à trouver dans les locations de limousine, mais elles ne permettront pas d’arriver à l’équilibre. Car pour arriver à l’équilibre sans dégrader les prestations, il faut regarder du côté des recettes. Le Conseil d’État continue au contraire de vouloir baisser les impôts des plus riches. Alors il coupe dans tous les domaines.

Petit tour d’horizon :

PERSONNEL DE L’ÉTAT. Le Conseil d’État a annoncé deux mesures salariales pour le personnel de l’État. D’une part, une « contribution de crise » de 0,7% du salaire brut sur 2026, pour les employé·es à partir de la classe 6. D’autre part, l’absence d’indexation pour 2026, cette mesure s’appliquant également aux secteurs parapublics.

CHUV. Une nouvelle coupe budgétaire frappe également le CHUV, elle est chiffrée à 24 millions, sans plus d’explication de la part du Conseil d’État. L’hôpital public subit depuis quatre ans des plans d’économies successifs qui ont amené des coupes dans les prestations aux patient·es et des baisses d’effectifs dans les services par rapport aux besoins. En économisant encore 24 millions de francs en 2026, le Conseil d’État met les patient·es (donc la population vaudoise) et le personnel du CHUV dans une situation gravissime. La mobilisation du personnel du CHUV sera décisive pour faire reculer ce projet de nouvelle coupe budgétaire.

ENSEIGNEMENT. Les économies faites sur le dos du personnel enseignant sont absurdes et en disent long sur la vision de l’école de ce gouvernement. D’une part, l’abolition de la décharge de fin de carrière (supposée rapporter 1 million, ce qui reste à vérifier) n’est pas l’abolition d’un privilège mais bien la suppression d’une compensation pour les améliorations introduites par la LPers dont les enseignant·es ne bénéficient pas.
D’autre part, la « diminution du tarif horaire de la rémunération des remplaçantes et remplaçants non titré·es (supposé rapporter 2 millions) s’attaque aux plus précaires sans résoudre le problème de fond qui est d’avoir suffisamment d’enseignant·es formé·es pour enseigner. Pendant qu’il économisera 3 mio sur le dos des futur·e·s retraité·e·s et des précaires, le DEF injectera plus de 6 millions dans son école numérique. Preuve que la question n’est pas financière mais bien politique.

HAUTES ÉCOLES. Pour les Hautes Écoles (Unil, HES vaudoises et HEP), la facture atteint les 22 millions de coupes, sans que l’on sache exactement comment elle va se matérialiser.
Au vu du programme d’économie de la Confédération, qui touche ces mêmes Hautes Écoles on doit s’attendre à un gel des postes et une augmentation de la précarité de l’emploi, déjà très répandue dans ce domaine. De plus, à l’heure des enjeux de formation dans de nombreux domaines (santé, social, formation), en dégrader les conditions est un très mauvais calcul.

SANTÉ PARAPUBLIQUE. Dans le secteur de la santé parapublique, les coupes concernant les hôpitaux régionaux ont été revues à la baisse, 5 millions au lieu de 20 millions, suite aux mobilisations du personnel et de la population. Cependant, ce secteur, qui subit depuis des années un manque de moyens structurel, a déjà largement enclenché des processus de licenciements et de restructuration en réaction aux mesures d’austérité.
Des mesures d’économie sont également annoncées dans les soins à domicile : 5 millions dont l’affectation n’est pas connue, et dans les EMS. S’il est annoncé un maintien des mesures de soins, le financement des charges d’entretien et des frais généraux des établissements d’hébergement (EMS, EPSM et ESE) est diminué de 14,1 millions, encourageant la privatisation du nettoyage dans ce secteur et laissant craindre une baisse de qualité de l’hygiène dans ces établissements ainsi qu’une précarisation du personnel dédié à ces tâches.

ENFANCE. Le Conseil d’État prévoit de diminuer de 10 millions sa subvention à la Fondation pour l’accueil de jour de l’enfance (FAJE). Cette coupe brutale représente en 2026 et 2027 une baisse de 10% de la subvention annuelle de l’État de Vaud. Elle va à l’encontre des besoins des familles, des professionnel·les de l’enfance et du développement toujours nécessaire du dispositif d’accueil de l’enfance dans le canton, alors même qu’au moins 15′000 nouvelles places d’accueil devraient être créées à l’horizon 2030.
Les coupes budgétaires dans le secteur de l’enfance sont irréalisables en raison des besoins. Cela revient donc à répercuter les coûts sur les communes ou les parents, autres principaux contributeurs au financement. Or, une place en crèche est déjà aujourd’hui hors de prix pour de nombreuses familles dans notre canton.
Pour le SSP, l’accueil de jour des enfants devrait être un service public à part entière, comme l’école; gratuit pour les parents, financé collectivement via l’impôt, accessible sur tout le territoire que l’on habite en ville ou à la campagne - et avec du personnel en suffisance, bien formé et intégré dans la fonction publique

SOCIAL. Le secteur social souffre depuis des années d’un manque de moyens et d’une grave pénurie de personnel, conséquences directes des politiques d’austérité menées dans ce secteur pendant des décennies. Aujourd’hui, alors que la situation est critique, le Conseil d’État impose un délai de rattrapage salarial trop long (5 ans contre les 3 ans préconisés par le terrain dans le cadre des Assises en 2023), mettant en péril les objectifs urgents nécessaires pour stabiliser le secteur. Les plus vulnérables – enfants, familles et adultes en difficulté – continueront d’en payer le prix.
Par ailleurs, les coupes dans les subsides aux primes maladie et dans les allocations par enfant frappent directement des familles déjà asphyxiées par la hausse des primes.

COMMUNES. En reportant la charge financière des coupes sur les communes dont certaines présentent déjà une dette – le Conseil d’État met en péril les prestations sociales et culturelles de proximité : accueil de l’enfance, écoles, infrastructures culturelles et sportives, soutien aux aîné·es.
Ces pertes de financement frapperont aussi le personnel des administrations communales, déjà très sollicité. Elles se traduiront par une augmentation de la charge de travail et une menace sur les postes, au détriment de la qualité des services rendus à la population.

EVAM. Les coupes budgétaires annoncées frapperont de plein fouet l’EVAM et le secteur de la migration, déjà confrontés à des moyens insuffisants face à l’augmentation des besoins.
En s’attaquant à ce dispositif, le Conseil d’État prend le risque d’affaiblir la qualité de l’accueil et de l’accompagnement des personnes migrantes et réfugiées, souvent en situation de grande vulnérabilité. Ces mesures sont une double injustice : elles visent des personnes déjà précarisées et elles accroissent la pression sur le personnel, qui devra absorber des charges supplémentaires avec moins de moyens. La Direction de l’EVAM a, dans la ligne droite de ces annonces, déjà annoncé la suppression de plusieurs dizaines de postes de travail. Au lieu d’investir pour garantir un accompagnement digne et une intégration réussie, le gouvernement choisit d’alimenter les inégalités et de fragiliser encore la cohésion sociale.

UNE POLITIQUE DE REDISTRIBUTION À L’ENVERS
Le programme d’austérité du Conseil d’État est une énorme entreprise de redistribution des richesses en faveur des plus aisé·es. Les baisses fiscales constituent la pierre angulaire de toute sa politique. Elles se font au détriment non seulement des employé·es des services publics et parapublics mais aussi de ses usagères/ers en dégradant les prestations.
La question n’est pas de savoir s’il y a assez d’argent dans les caisses mais bien de déterminer quel service public nous voulons.
Celles et ceux qui seront dans la rue le 2 octobre auront déjà décidé.

Contacts:
- Catherine Friedli, secrétaire SSP-Santé parapublique
- David Gygax, secrétaire SSP-CHUV et SSP-Administration cantonale
- Vanessa Monney, secrétaire SSP-Enfance
- Letizia Pizzolato, secrétaire SSP-Social
- Raphaël Ramuz, secrétaire SSP-Hautes Écoles
- Isabelle Smekens, secrétaires SSP-Enseignement

SSP, 25 septembre 2025

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