L’État britannique a renationalisé le groupe ferroviaire privé South Western Railway
La nouvelle n’a pas fait les grands titres; et pourtant, elle est de taille. Dimanche passé, l’État britannique a renationalisé le groupe ferroviaire privé South Western Railway. Le prélude à un processus qui verra l’entier des compagnies ferroviaires revenir dans le giron étatique d’ici octobre 2027, dans le cadre d’une compagnie publique unique, Great British Railway.
Politiquement, cette renationalisation marque l’échec d’un processus lancé en 1993 sous le gouvernement conservateur de John Major, qui avait aussi abouti à la privatisation de l’eau et de l’énergie. Avec des résultats calamiteux. Là où les dévots de la religion séculière des marchés promettaient efficience et gains pour les consommateur·trices, on a au contraire assisté à une forte hausse des prix (+115% ces vingt dernières années (1), pour se situer parmi les plus hauts d’Europe.
Et les prestations de se dégrader à la vitesse grand V. Seuls 67% des trains sont arrivés à l’heure pour la période 2023-2024 et 3,8% d’entre eux ont été annulés! De plus, la multiplication des compagnies privées rend la lecture des tarifs incompréhensible. Pire. Dès 2002, les infrastructures ferrées – le «marché» avait été divisé entre le rail, l’exploitation de lignes et la fourniture de matériel roulant – avaient déjà dû être renationalisées car fragilisées par une série d’accidents mortels liés au manque d’entretien. Et quatre compagnies ont depuis été reprises par l’État pour cause de prestations insuffisantes et d’incapacité à trouver un équilibre financier.
Les seuls qui tirent leur épingle du jeu sont les actionnaires. Quelque 65% des bénéfices de ces entreprises ont fini dans les poches de ces détenteurs de capitaux au lieu d’aller dans les investissements. Le tout sur fond d’entente monopolistique: le matériel roulant – qui est loué aux opérateurs privés – est concentré au sein de trois compagnies seulement. A garder à l’esprit, alors que la Suisse va entrer dans une nouvelle ère de dérégulations dans le cadre des Bilatérales III. Pour le rail, notamment. Gageons que les opérateurs étrangers ne s’intéresseront qu’aux lignes les plus rentables.
Cette renationalisation est un utile rappel que pour les prestations qui relèvent du bien commun, le rôle social de l’État ne doit pas être un gros mot. On n’est pas obligé de gober tout cru la propagande néolibérale livrée par celles et ceux qui entendent surtout s’engraisser sur ces revenus captifs et incompressibles.
Le Courrier, Philippe Bach, 30 mai 2025
(1) Le Monde du 25 mai, «Le plus grand changement ferroviaire depuis vingt-cinq ans: au Royaume-Uni, l’État reprend le contrôle des trains». Et le Guardian du 27 mai, «A great prize, but a great risk: why we all need the nationalised South Western Railway to work».
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