AU CHEVET Un grand centre de médecine générale va naître à Lausanne. Il regroupera différentes institutions mais aussi des employés du CHUV qui perdent ainsi leur statut de fonctionnaires du canton. Diagnostic mitigé.
Pour l’une des employées de l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive (IUMSP), il s’agit d’un «  divorce à l’amiable d’une partie du CHUV » pour constituer une entité indépendante.
C’est  une  grosse  séparation : toute la partie « santé publique » fera jeu à part. Cette nouvelle institution se nomme Alliance Santé Vaud, et le professeur Jacques Cornuz, directeur de la Policlinique médicale de Lausanne (PMU), dirige ce  projet.  Il  en  sera  également  le  directeur dès le 1er janvier 2019.
Alliance  Santé  Vaud  regroupe  des fondations dont les employés ont  des  contrats  de  droit  privé,  comme Promotion Santé Vaud, le Programme  cantonal  diabète  ou  l’Institut  romand  de  santé  au  travail. Ainsi que l’IUMSP du CHUV, bien sûr. « Cette intégration permet de  créer  le  Centre  universitaire  de  médecine générale et santé publique de Lausanne. Le nom de la PMU va donc  disparaître  au  bénéfice  de  ce  centre », relève Jacques Cornuz.
Selon notre témoin, « il y a plein de bonnes raisons pour que cette scission ait lieu, le CHUV étant devenu énorme.  En  revanche  nous  avons  été surpris par la manière dont nos contrats  seront  transformés. »  Le personnel de l’IUMSP passera, en effet, du statut d’employé de l’État de Vaud à une entité de droit publique, certes « sous surveillance du canton ». La relation employeur-salarié sera donc régie par le droit privé. La communication, jusqu’à maintenant, est restée modeste pour les employés ; ils ont l’impression qu’on les a noyés dans les détails. Le mot d’ordre se résume à : « C’est comme ça, vous avez le choix de ne pas nous suivre, mais ça serait dommage. »
« Nous  sortons de facto du canton et perdons la protection offerte par la Loi sur le personnel (Lpers) », constate une  salariée. « Formellement, c’est  correct », note son directeur Jacques Cornuz. « Mais à nos yeux, l’un des points centraux de la Lpers n’est pas l’impossibilité de licencier, mais le fait que l’arbitraire est diminué par le droit impératif d’être entendu. La PMU a toujours été attentive à pratiquer également de la sorte. » La PMU n’est pas une entreprise privée : « Les employés bénéficieront des mêmes conditions salariales, de la reprise de l’ancienneté et de la même caisse de pension », ajoute Jacques Cornuz.
Pour une partie du personnel, cette décision venant du ministre socialiste Pierre-Yves Maillard, « ça fait très pas-sage à un système de sous-traitance : tant que ça va bien, tout baigne, mais au  moindre  souci,  nous  ne  sommes  plus liés au canton. » Jacques Cornuz balaie : « Nous ne comprenons pas ce commentaire sur la sous-traitance. » De  nombreux  non-médecins  pratiquent la recherche à l’IUMSP : des sociologues, des statisticiens ou des data-managers. Eux sentent que leurs conditions vont se péjorer en sortant de la Lpers.
Plutôt que de sous-traitance,  le  Syndicat  du  service  public  (SSP)  préfère y voir une externalisation : « A l’heure où le Grand Conseil débat de l’autonomisation du CHUV, ce n’est évidemment pas un bon signal. Mais le CHUV n’en est pas à son coup d’essai : il existe déjà l’Hôtel des Patients – avec une gestion confiée à la société Reliva – et le bloc opératoire ambulatoire de Beaumont confié à la société MV Santé. Ce sont des exemples de ce qu’est l’externalisation  du  service public: le contribuable passe à la caisse et les sociétés privées encaissent. »Comme s’il y avait eu urgence à sortir les employés de l’IUMSP des urgences de l’hôpital. L’État aurait pu se montrer un peu plus patient.
Jean-Luc Wenger, Vigousse, 23 novembre 2018

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