Taxer les personnes à l’origine de la crise

La Jeunesse socialiste tente une nouvelle fois de taxer les plus riches. Enjeux de l’initiative sur les successions. Thomas Bruchez, vice-président des Jeunes socialistes suisses, défend l”‘initiative pour l’avenir”, qui compte lutter contre la crise climatique, en taxant à 50% les héritages de plus de 50 millions de francs.

C’est reparti pour une nouvelle initiative fiscale. Après l’échec de l’initiative 99%, qui visait à taxer davantage les revenus du capital (intérêts, dividendes), la Jeunesse socialiste lance sa prochaine offensive. Avec son «initiative pour l’avenir», elle compte lutter contre la crise climatique, en taxant à 50% les héritages de plus de 50 millions de francs. Interview de Thomas Bruchez, vice-président des Jeunes socialistes suisses.

L’initiative vise à taxer les riches pour lutter contre le changement climatique. Pourquoi avoir opté pour un impôt sur la succession?

Thomas Bruchez: Il y a un an, la loi sur le CO2 était refusée par une majorité du peuple, qui craignait de payer pour lutter contre le réchauffement climatique. Nous nous sommes demandé comment cibler les ultra riches, qui sont responsables de la majorité des émissions de gaz à effet de serre et profitent du capitalisme, à l’origine de la crise climatique. Notre choix s’est porté sur un impôt sur les successions, au-dessus de 50 millions de francs. Selon nos estimations, cela concerne environ 2000 personnes, soit une part minime de la population. Actuellement, il n’existe pas d’impôt fédéral sur la succession. Les impôts cantonaux touchent en général les successions lorsqu’il n’y a pas de lien direct de filiation. Notre initiative propose donc un grand changement. L’impôt serait versé pour deux tiers aux cantons et un tiers à la Confédération.

Vous proposez de taxer à 50% les héritages de plus de 50 millions. Combien espérez-vous obtenir par ce biais?

Selon des estimations sur la base des données fiscales cantonales, cela rapporterait au fisc 6 milliards de francs par année en moyenne.

L’idée est d’aller en direction d’une transformation écologique et sociale de l’économie Thomas Bruchez

Quel type de mesures climatiques cela doit-il financer?

Un premier axe concerne les emplois. Il s’agit de financer une transformation écologique et sociale de l’économie, avec des reconversions professionnelles, des formations continues, etc. Un deuxième axe concerne le logement, avec des rénovations écologiques par exemple. Un troisième volet serait consacré aux services publics, notamment les transports. L’idée est d’aller en direction d’une transformation écologique et sociale de l’économie. Nous proposons un cadre général et des mesures concrètes pourront être élaborées au fil de la campagne.

Comment éviter que la poignée de personnes concernées ne trouve le moyen d’échapper à cet impôt?

L’initiative donne toutes les clés au parlement pour qu’il trouve des solutions. Il devra éviter que ces personnes quittent le pays ou trouvent des moyens, à travers des donations par exemple, d’arriver au-dessous du seuil de 50 millions de francs. Bien sûr, nous entendons déjà la droite argumenter que les riches vont partir. Mais la fiscalité n’est pas l’unique raison pour laquelle ces personnes résident en Suisse. Quand bien même quelques départs sont possibles, une large majorité resterait ici et pourrait financer la lutte contre le réchauffement climatique.

Quelle est la situation chez nos voisins européens?

Certains pays ont un impôt sur la succession qui atteint 80%. C’est le cas de la Belgique, pour les successions de plus de 500 000 euros. En France, le taux varie entre 5% et 60% selon le lien de parenté, avant une exonération de 100 000 euros pour les descendant·es direct·es et de 50 000 euros pour les autres. En Grande-Bretagne, le taux est à 40%. Notre proposition, avec un seuil à 50 millions de francs, n’est de loin pas excessive. Ce qui est excessif, c’est la fortune des ultra riches qui augmente massivement. C’est déjà ce que nous démontrions avec notre initiative des 99%. Cette fois, on s’intéresse à une part encore plus petite des contribuables, qui ont des fortunes astronomiques et vivent dans une réalité totalement différente du reste de la population.

Justement, vous revenez à la charge après l’échec de l’initiative des 99% en proposant de taxer les successions des plus fortuné·es à 50%. Ne craignez-vous pas une nouvelle défaite avec un taux aussi élevé?

Avec un seuil à 50 millions de francs, nous touchons uniquement les très grosses successions! Avec un tel seuil couplé à un taux à 50%, cela signifie une imposition de 25 millions de francs sur une fortune de 100 millions. Et c’est une démarche différente de l’initiative des 99%, qui était fondamentalement fiscale. Notre nouvelle initiative a pour point de départ la volonté d’apporter une réponse sociale à la crise climatique.

D’autres initiatives sont annoncées à gauche sur la même thématique, comme celle du PS et des Vert·es pour un fonds climat. Votre proposition sur un même sujet n’ajoute-t-elle pas du flou?

Je mentionnerais également l’initiative des Jeunes Vert·es sur la responsabilité environnementale. Ces différentes initiatives montrent que nous avons besoin d’une politique climatique sociale, ambitieuse dans ses investissements, qui ne fait plus tout peser sur la responsabilité individuelle. Elles sont complémentaires, la gauche devra trouver le moyen de les articuler.

Le Courrier, 20 juin 2022, Sophie Dupont

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