Se déplacer sans bourse délier

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L’initiative «transports publics gratuits» a été déposée mercredi avec plus de 14’000 signatures. Les Vaudois devraient pouvoir voter sur la gratuité dans les transports publics.
L’initiative «Pour des transports publics gratuits, écologiques et de qualité» passe à la vitesse supérieure. Alors que 12’000 signatures sont nécessaires, les initiants en ont déposé 14’226 mercredi à la Chancellerie cantonale.


De quoi rendre confiante la coalition formée par les partis de la gauche radicale, des pirates ou de Vevey Libre, associés à différents mouvements écologistes et des syndicats, ainsi que des associations de défense des aînés et des usagers du service public.

Le coordinateur du comité, le popiste Luca Schalbetter, s’avoue satisfait: «Je pense que nous avions le compte un mois avant le délai imparti. L’idée a été très bien reçue.» Elle ne l’avait pas été au Grand Conseil, où un tel projet avait été balayé en 2020. Cette fois, le texte en question veut rendre gratuits des transports en commun «de qualité et respectueux de l’environnement», et aussi que l’État garantisse «une desserte équitable et cohérente de toutes les régions du canton».

Le financement, lui, devra être «assuré principalement par les mesures fiscales usuelles». Sur ce plan, les initiants lorgnent sur les excédents budgétaires du canton, car «nous payons déjà une bonne partie des impôts nécessaires à cette mesure», d’après Andrea Eggli, présidente de l’Association citoyenne pour la défense du service public. Ils pensent aussi à une augmentation de la fiscalité pesant sur les grandes entreprises, insuffisante selon eux. «Avec la baisse des investissements dans les infrastructures routières que notre mesure impliquerait, une réorientation de l’argent public vers cette gratuité est tout à fait finançable», avance Luca Schalbetter.

Pour Acidus et le POP comme pour la Grève du climat, l’initiative est une vieille revendication. «Dès les premiers mois de notre mouvement, cette idée figurait en bonne place», relate le gréviste Steven Tamburini.

Au Parti pirate, l’aspect pragmatique a convaincu: «Alors que le Plan climat du gouvernement ne va pas assez vite, là nous avons une mesure concrète, structurelle et efficace à appliquer immédiatement», explique Arnaud Durand. Le parti de l’ère web est persuadé que cette réforme favorisera un réseau où le report modal se fera de manière plus fluide.

Pour Noémie Rentsch, de Solidarités, «c’est la première initiative écologique qui intègre directement la dimension de justice sociale par son financement, et par ses bénéficiaires principaux: les personnes précaires, pour qui le coût des transports est exorbitant», résume la militante.

Dissensions à gauche

Un argument qui convainc Maël Fidanza, coprésident des Jeunes verts vaudois, qui soutiennent l’initiative: «Pour nous étudiants, le budget transports pèse lourdement sur nos finances.» Pire, «le prix nous restreint dans nos mouvements et nous oblige à renoncer à des déplacements culturels, par exemple», renchérit sa collègue Tamara Jagne. Pourtant, du côté de leurs aînés verts, pas de soutien au texte.

Il en va de même chez les socialistes ou à l’Association transports et environnement (ATE), pour qui «même si on partage les objectifs, le coût fiscal pourrait freiner les pouvoirs publics dans le développement de l’offre» si cruciale dans les régions périphériques, selon Romain Pilloud, secrétaire général de l’ATE Vaud. L’effet-prix étant plus fort dans les couches populaires, une gratuité ciblée financée par les billets payés par les revenus aisés a donc les faveurs du socialiste.

«Une minorité de nos signatures ont été faites en ville. Beaucoup viennent même de la Vallée de Joux!» rétorque Andrea Eggli. «Notre modèle repose sur le financement par le canton et lui permet d’avoir la main sur le développement de l’offre. Les finances des communes devraient être épargnées et le réseau moins tributaire des choix d’investissement des entreprises de transport en fonction de la rentabilité», ajoute Luca Schalbetter.

«Moi-même membre de l’ATE, j’attends qu’une assemblée générale donne la voix à la base sur cette question», conclut Steven Tamburini. Si l’opposition bourgeoise au texte est attendue, à gauche, le débat risque d’être tout autant nourri.

A Berne comme dans le canton de Fribourg, des initiatives similaires se heurtent à une incompatibilité avec le droit fédéral, qui exige une participation financière des usagers. A Neuchâtel, le doute demeure. Sur Vaud, «si vraiment il y a débat, plutôt que le gouvernement le décrète de manière antidémocratique, autant que le peuple puisse trancher», conclut Luca Schalbetter.

Le Courrier, 20 janvier 2022, Achille Karangwa

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