Glencore dans le radar de la justice

Le Ministère public de la Confédération vient d’ouvrir une enquête contre inconnu pour corruption. La dénonciation de Public Eye contre la multinationale fait partie du dossier. Contactée, la société Glencore n’a pour l’heure pas souhaité prendre position sur cette affaire.

Le business des matières premières est à nouveau dans l’œil de la justice fédérale. Le Ministère public de la Confédération (MPC) a ouvert une enquête pénale contre inconnu pour corruption de fonctionnaires étrangers au début du mois de mai. Cette instruction fait suite à des clarifications nécessaires dans ce secteur économique particulièrement sensible, selon le MPC.

Un domaine à très haut risque de corruption précise l’ONG Public Eye, qui avait déposé en 2017 une dénonciation pénale visant le géant minier Glencore pour ses activités en République démocratique du Congo (RDC). Le MPC explique que l’instruction en cours ne vise pas Glencore ni une personne spécifique. Mais son service de communication confirme au Courrier que la plainte de 2017 fait partie du contexte général pris en compte.

Pots-de-vin aux officiels congolais

Une bonne nouvelle pour l’ONG, qui appelait mardi les autorités suisses à creuser l’affaire Glencore. Public Eye maintient donc la pression sur les agissements de la multinationale basée en Suisse. La semaine dernière, elle a transmis au MPC un contrat que la presse s’était procuré en juillet 20181. Il atteste que 6 millions de dollars annuels ont été versés entre 2013 et 2017 par une filiale de Glencore aux autorités de la RDC pour «entretenir de bonnes relations».

Jusqu’à présent, l’ONG est parvenue à mettre en lumière des attributions douteuses de mines de cobalt et de cuivre dans ce pays. Elle a démontré qu’un diamantaire controversé, Dan Gertler, avait joué un rôle important dans les années 2000 pour négocier certaines exploitations minières.

«Le Conseil fédéral reconnaît les risques. Mais il refuse de réguler le secteur» David Mühlemann

Tant Glencore que Dan Gertler ont nié toute pratique illégale. Y compris lorsqu’une mine a été attribuée à 140 millions de dollars contre 585 millions initialement demandés, après que Glencore a accordé un prêt de 45 millions de dollars à Dan Gertler en amont des négociations avec la compagnie étatique. Proche du clan Kabila, cet homme d’affaires israélien a été épinglé par un rapport soumis au Conseil de sécurité de l’ONU pour la mise en place de réseaux échangeant diamants de guerre contre de l’argent, des armes et des entraînements militaires. Des compatriotes de l’intermédiaire ont fait de même en Angola et au Sierra Leone.

Les agissements de Glencore, de ses filiales et de Dan Gertler ont attiré l’attention de plusieurs autorités judiciaires. Au point que la firme s’est distanciée de son négociateur dès février 2017. Soit quelques mois après que la justice étasunienne a établi qu’un homme d’affaires israélien – vraisemblablement Dan Gertler – a versé plus de 100 millions de dollars de pots-de-vin à des officiels congolais.

L’autorégulation ne suffit pas

La Suisse porte-t-elle une responsabilité quant aux malversations régulièrement pointées du doigt dans le négoce et l’extraction de matières premières? «Le Conseil fédéral reconnaît les risques. Mais il refuse de réguler le secteur. Selon le gouvernement, les problèmes doivent se résoudre par l’autorégulation. Nos enquêtes démontrent que cela ne suffit pas et qu’il faut agir», regrette David Mühlemann, expert matières premières et finances de Public Eye. En cas de condamnation pour corruption, la sentence peut aller jusqu’à une amende de 5 millions de francs et la confiscation de biens mal acquis.

Contactée, la société Glencore n’a pas souhaité prendre position sur cette affaire. Pour l’heure, toutes les personnes morales et physiques mentionnées doivent être considérées comme innocentes en Suisse. Quant au MPC, il s’en tient aux informations sur l’ouverture de l’enquête mais ne divulgue aucun calendrier ou autre nouvelle compte tenu du secret de l’enquête.

Notes
1. «Glencore a versé des millions pour ses relations avec le gouvernement Kabila», paru dans 24 Heures et la Tribune de Genève, 9 juillet 2018.

Le Courrier, 29 mai 2019, Laura Drompt
Photo KEYSTONE

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