La part des primes maladie dans le budget a explosé depuis 1996

Faute de plafond inscrit dans la loi, que cette part maximale soit respectée, le plafond des primes a très vite explosé.
Subsides: le plafond des primes a explosé On en parle / 20 min.
Les primes maladie n’étaient pas censées excéder 8% du budget des ménages aux origines de la LAMal. Mais 23 ans plus tard, ce plafond a explosé et les subsides ne sont plus suffisants. L’ancienne ministre Ruth Dreifuss dit sa colère.

Lors de l’élaboration de la LAMal, au début des années 1990, le Conseil fédéral avait souhaité que les primes n’excèdent pas ce plafond de 8% du revenu. Mais, faute d’assurance inscrite dans la loi que cette part maximale soit respectée, le plafond des primes a très vite explosé.

L’émission On en parle a mené l’enquête sur la base du dernier monitoring de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), publié en fin d’année dernière et prenant en compte une série représentative de ménages.

Il en ressort qu’en moyenne aujourd’hui, 14% des revenus d’un ménage sont consacrés aux primes maladie - malgré les subsides pour ceux qui les touchent. Mais cette part peut même grimper jusqu’à 24% du revenu pour certains ménages du Jura et de Genève - les couples sans enfants avec 60′000 francs de revenu - en raison de subsides cantonaux insuffisants.

Neuchâtel et Berne ne sont guère plus généreux, selon ces chiffres portant sur l’année 2017: malgré les subsides, ils affichent une moyenne de 17% de part du budget consacrée aux primes. Fribourg et le Valais en sont à 15%, et Vaud à 14%. Mais entre-temps ce dernier canton s’est engagé à plafonner la part du budget à 10% des revenus en augmentant les subsides.

La pertinence des chiffres de l’OFSP en question

Pour expliquer ces disparités, la majorité des cantons romands - contactés par l’émission - mettent en doute la pertinence de cette comparaison de l’OFSP. A Neuchâtel, on affirme qu’il n’est pas possible de confirmer ces chiffres qui seraient “discutables voire très approximatifs” en raison de bases de calculs imprécises.

Genève, pour sa part, ne parvient pas aux mêmes chiffres que l’OFSP, et le Jura trouve que le modèle de calcul n’est pas clair et qu’il faudrait étudier d’autres indicateurs que ce seul taux d’effort.

Pour le canton de Berne, ces chiffres ne reflètent pas la réalité, car ils prennent en compte la prime standard pour une franchise à 300 francs, ce qui ne correspond de loin pas à tous les assurés. Il faut noter encore que chaque canton calcule différemment les revenus déterminants, ce qui complique encore la comparaison.

Possibles améliorations en vue

Il faut souligner encore que plusieurs cantons ont adapté leurs modèles et barèmes depuis ce monitoring de l’OFSP, mais presque aucun canton n’est capable de reproduire les savants calculs de la Confédération.

Et plusieurs initiatives populaires sont en cours, notamment à Genève où les citoyens se prononceront le 19 mai, mais également à l’échelon fédéral où la récolte des signatures est en cours. Le Tribunal fédéral a également condamné récemment le canton de Lucerne à ne pas limiter les subsides aux plus bas salaires.

“Ne pas s’occuper uniquement des assurés pauvres”

“Aujourd’hui, on a plutôt aidé les personnes en situation de précarité, voire de pauvreté (…) et on a négligé les catégories modestes”, relève dans l’émission On en parle l’ancien conseiller national socialiste Stéphane Rossini, professeur spécialisé dans les questions de politique de santé publique dans les Universités de Genève, Lausanne et Neuchâtel.

L’arrêt récent du Tribunal fédéral portant sur le canton de Lucerne “remet la discussion au bon endroit par rapport à la genèse de la LAMal: on doit s’occuper des assurés économiquement modestes et pas uniquement des pauvres”, souligne celui qui est aussi membre du comité de l’initiative fédérale pour un plafond à 10%.

Une autre manière d’aider la classe moyenne

L’UDC, elle, voit les choses différemment et s’oppose à l’initiative fédérale. “Effectivement, les coûts de l’assurance maladie sont très, très importants pour les ménages actuellement. A l’époque de la mise en place de la LAMal, on avait mal évalué l’augmentation qui a été astronomique”, reconnaît le conseiller national Jean-Pierre Grin.

Le Vaudois ne s’oppose pas au subventionnement, mais à un plafond. “Je crois qu’on ne va pas dans la bonne direction”, dit-il, “parce qu’on doit effectivement subventionner les familles et surtout les enfants et les jeunes, mais on doit aussi essayer de stabiliser les coûts.” Le politicien UDC estime qu’un plafonnement représenterait “une incitation négative pour les économies.”

Jean-Pierre Grin évoque, comme autre piste possible, une augmentation de la déductibilité fiscale des primes maladie. Il a déposé une motion en ce sens, acceptée par les Chambres fédérales. “C’est aussi une manière d’aider la classe moyenne”, souligne-t-il.

Yves-Alain Cornu/Bastien von Wyss/oang

Une ancienne conseillère fédérale “en colère”

Lors de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi (LAMal) en 1996, la conseillère fédérale Ruth Dreifuss craignait déjà que des assurés tombent dans la pauvreté en raison de primes trop élevées. Elle avait réclamé devant le Parlement une meilleure répartition des subsides pour les assurés les plus démunis. L’évolution de la situation lui laisse aujourd’hui un goût amer.

Interrogée dans l’émission, l’ancienne ministre socialiste en charge de la Santé réagit “avec colère” à cette évolution et en particulier “vis-à-vis des cantons qui ont cru qu’ils pouvaient assainir leurs finances sur le dos des populations pour lesquelles ils sont responsables.” Beaucoup de cantons ont, de ce fait, “accru la charge des ménages”, souligne-t-elle.

Certains, pourtant, imputent à l’ancienne conseillère fédérale la responsabilité de l’absence d’un plafond de 8% fixé dans la loi. Mais c’est oublier que la socialiste a été élue en 1993 alors que la LAMal était déjà quasi prête pour passer en votation devant le peuple en 1994.

“Je ne suis que la mère adoptive de la LAMal”

“Lorsqu’on m’attribue la maternité de la LAMal, je dis que je ne suis pas la mère réelle, je suis la mère adoptive”, rappelle-t-elle. “Et lorsqu’on adopte un bébé qui est un peu mal foutu mais qui réalise quand même une ambition vieille de plus de cent ans, c’est-à-dire d’avoir tout le monde assuré contre les risques de la maladie, à ce moment-là on ne l’en aime que davantage et on se bat pour qu’il puisse prospérer”, se défend-elle.

“Ce bébé a rendu d’immenses services (…), donc - sur ce plan-là - il y rempli ses obligations. Mais ce qui manque très largement, c’est une solidarité entre les riches et les pauvres (…) Et la classe moyenne, elle, porte une charge beaucoup trop lourde. Dans ce sens-là, la solidarité entre les revenus n’est pas pleinement réalisée.”

23 ans après l’entrée en vigueur de la #LAMal, l’ancienne Conseillère fédérale Ruth Dreifuss regrette le manque de solidarité entre riches et pauvres dans la fixation des primes. @RadioTeleSuisse#RTSoeppic.twitter.com/EqxBxxkssG
— onenparle (@onenparleRTS) May 7, 2019

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