Fédérer les communes contre La Poste

Révoltée par la fermeture annoncée de ses offices postaux, la commune de Milvignes, Neuchâtel, en appelle à une réaction nationale pour faire plier La Poste.
Avec la politique actuelle du géant jaune, près de 150 offices postaux seraient menacés à terme en Romandie. JPDS

Service public

La résistance s’organise dans le canton de Neuchâtel contre la stratégie du géant jaune de vouloir réduire d’un tiers ses offices à travers le pays dès 2020. L’ensemble des communes suisses, 2223 au total, ont récemment été invitées par le Conseil communal de Milvignes (Auvernier, Colombier, Bôle) d’adresser, ensemble ou séparément, une lettre au Conseil fédéral pour qu’il exige de La Poste la suspension de son programme de fermetures.

«Une cinquantaine de communes, surtout des petites, ont déjà répondu favorablement à cette initiative», nous a confirmé Grégory Jaquet, membre de l’exécutif de Milvignes. Des communes telles que Morat (FR), Châtel-St-Denis (FR), Morcote (TI) ou Bättwil (SO) par exemple. «Avec les réponses positives d’au moins 200 d’entre elles, un dixième, nous pourrions avoir un véritable poids. Nous devons dorénavant nous unir entre communes.» Certaines ont déjà envoyé leurs doléances directement à la Chancellerie fédérale, selon M. Jaquet. Un état de la situation sera fait à fin juin. «Nous aviserons quelle suite nous donnerons. Nous souhaiterions rester une force de proposition et non les meneurs de ce mouvement», précise-t-il.

Offensive intercommunale

Les trois communes d’Auvernier, Bôle et Colombier (9000 habitants au total), fusionnées sur le littoral depuis six ans, redoutent une hémorragie. La Poste veut en effet dès cet automne déjà fermer l’office postal d’Auvernier, puis dans la foulée celui de Bôle. Elle souhaite à la place déléguer ses services à des commerces privés sis dans les deux villages. Les autorités communales n’entendent pas laisser pourrir l’affaire. Il y a deux ans, Doris Leuthard avait déjà été alertée par Milvignes. Rien n’avait bougé. Simonetta Sommaruga, la nouvelle cheffe du département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC), a répondu par écrit le 25 février aux craintes des autorités communales. Elle estime leurs préoccupations «légitimes» et a promis de «sensibiliser» la direction de La Poste, sans plus. Las des promesses politiques non tenues, le Conseil communal de Milvignes a décidé récemment de passer à la vitesse supérieure et compte maintenant sur une réaction des autres communes du pays pour faire pencher la balance.

Évolution politique

Le préposé au «dossier Poste» de Milvignes est surtout déçu du peu d’empressement des autorités fédérales à faire bouger les lignes. «Berne ne veut pas se mêler des affaires opérationnelles de la Poste, répète-t-il. Nous aimerions que les choses évoluent politiquement. La commune tessinoise de Balerna a déjà perdu devant le Tribunal administratif fédéral en 2018 dans un dossier similaire. Voilà pourquoi nous espérons susciter une réflexion au niveau politique, plutôt que d’aller plus en avant en justice.» La Poste a jusqu’à présent toujours opposé une fin de non-recevoir aux autorités de Milvignes. Ni une pétition paraphée par un millier d’habitants, ni les différents courriers adressés par le Conseil communal, ni l’attachement pour leurs bureaux de poste manifesté par au moins une quarantaine d’entreprises de la région n’ont trouvé grâce aux yeux de La Poste. Pour porter l’affaire sur la place publique, un rassemblement a même été organisé en mai 2018 devant l’office postal d’Auvernier. Là encore, aucun mouvement de cil à la direction générale du géant jaune.

Décision formelle

Milvignes se sent aujourd’hui pousser des ailes en axant notamment sa défense sur l’initiative du canton du Jura, acceptée en octobre dernier sous la Coupole fédérale, qui prône une révision de la loi sur la poste. Le texte remet notamment en question les critères de fermetures des offices sous l’angle du droit d’accessibilité pour tout un chacun à pouvoir bénéficier d’un bureau de proximité, au maximum à vingt minutes à pied ou en transports publics de son logement. Le Conseil communal attend maintenant une décision formelle de La Poste, qui lui refuse toujours le droit de recourir. «Si nous ne voyons rien venir, nous sommes disposés à aller plus loin», prévient Grégory Jaquet. Près de 150 offices postaux seraient menacés à terme en Romandie.

Le Courrier, 2 avril 2019, Alain Meyer

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