AVS : de fumeuses prévisions fédérales

RFFA . Pour faire passer son paquet fiscal, le Conseil fédéral utilise l’argument du «sauvetage» financier de l’AVS. Mais ses prévisions en la matière doivent être prises avec des pincettes. Le Conseil fédéral a présenté les budgets de l’AVS pour les années qui suivraient un refus ou une acceptation de la Loi sur la réforme fiscale et le financement de l’AVS, la RFFA (1).


En cas de refus de la RFFA le 19 mai prochain, le capital de l’AVS s’effondrerait de 42 mi-liards de francs entre 2017 et 2030, selon le Conseil fédéral: il passerait de 46 milliards à 4 milliards. Le fonds AVS se retrouverait même «dans les dettes» dès 2031.
En revanche, avec l’acceptation de la RFFA, ce même capital diminuerait de seulement 16 milliards au cours de ces treize années: il passerait de 46 milliards en 2017 à 30 milliards en 2030. Le Conseil fédéral fournit là un argument de poids pour que le peuple vote en faveur de son projet de RFFA et tourne le dos aux arguments des référendaires.

UN AIR DE DÉJÀ-VU. Ces prévisions provoquent cependant un malaise en raison d’une impression de déjà-vu.
Elles rappellent en effet la campagne sur le référendum contre le dernier grand projet de révision de l’AVS, la 11e (2), heureusement refusée pour son caractère antisocial.
Comme aujourd’hui, le Conseil fédéral avait établi les budgets de l’AVS pour les années à venir, notamment dans le but de pousser le peuple à accepter son mauvais projet. En cas de refus de sa 11e révision, le Conseil fédéral pronostiquait un effondrement du capital de l’AVS entre 1998 et 2010 – selon les estimations gouvernementales, celui-ci aurait dû passer de 21 milliards à – 1 milliard (3).

UNE ERREUR À 38 MILLIARDS. La 11e révision de l’AVS a été refusée en votation populaire le 16 mai 2004. On a donc pu, chose rare, comparer la prévision du Conseil fédéral pour 2010 avec le capital atteint réellement par l’AVS la même année, sans révision: 37 milliards de francs 4! La prévision du Conseil fédéral était donc inférieure de 38 milliards à la réalité. Cette différence dépasse largement les marges d’erreur admissibles pour une telle prévision. Elle est d’autant plus incompréhensible que le Conseil fédéral avait beaucoup insisté, dans ses rapports préparatoires à la révision, sur l’importance qui avait été accordée aux travaux des diverses commissions d’experts chargées de la mise au point de la 11e révision de l’AVS, notamment des questions budgétaires.

REFUSER L’ALARMISME. Deux conclusions se dégagent de ces faits:◼La prévision faite par le Conseil fédéral sur le capital de l’AVS en 2010, au cas où le peuple désavouerait son projet de 11e révision de l’AVS, a vraiment une allure de fake news. ◼Cela rend très prudent face à la prévision fédérale sur l’évolution financière de l’AVS dans le cas d’un refus de la RFFA. Et contribue, en même temps, à lutter de manière positive contre l’alarmisme du Conseil fédéral.

GÉNÉRALISER L’AVS. Ces conclusions ne conduisent nullement à affirmer que l’AVS n’a pas besoin d’une révision. Bien au contraire: l’AVS a besoin d’une réforme, mais pas de celles que nous propose le Conseil fédéral. Il faut maintenant, et avant que les manœuvres de la droite parviennent, plus ou moins sournoisement, à fragiliser toujours plus l’AVS actuelle tout en prétendant la sauver, passer à une AVS globalisée, généralisée, englobant tout le problème des retraites en Suisse dans un cadre vraiment social, et préservant les caractéristiques sociales profondes de l’AVS, comme son financement par répartition. ◼

(1) Budgets de l’AVS sans réforme et avec les mesures de la RFFA – Votation du 19 mai 2019. Communiqué de presse du 9 octobre 2018.
(2) Message concernant la 11e révision de l’AVS et le financement à moyen terme de l’assurance vieillesse, survivants et invalidité. Feuille fédérale 2000, pages 1771 à 1936.
(3) Idem, page 19324 Compenswiss – Fonds de compensation AVS/AI/APG: Rapport annuel 2015, page 26

GERARD HEIMBERG . RETRAITÉ ET MILITANT SSPVALDEMAR VERISSIMO . PHOTO

À GENÈVE, GAUCHE ET SYNDICATS POUR UN DOUBLE NON
Mardi 12 mars, une assemblée générale du Parti socialiste genevois a rejeté l’accord cantonal sur la réforme fiscale et le financement de l’AVS (RFFA). En janvier, une première assemblée, nettement moins fournie, avait accepté ce deal négocié entre le PS et la droite, adopté fin janvier par le Grand Conseil.

L’accord entérinait la baisse du taux d’imposition des entre-prises à 13,99% – avec, à la clé, des pertes fiscales à hau-teur de 186 millions par an en 2020, 318 millions annuels dès 2024. Pour faire passer la pilule, le deal prévoyait la suspension du frein aux déficits durant huit ans et incluait le contreprojet du Conseil d’État à l’initiative de la gauche visant à plafonner à 10% les primes d’assurance maladie (IN 170).

Au Grand Conseil, onze des dix-sept élus socialistes se sont abstenus lors du vote sur la révision fiscale canto-nale, montrant leur désaccord avec le projet. «Les pertes colossales vont être suivies de coupes massives dans les services publics et les prestations à la population», résumait le député PS Christian Dandrès (Le Courrier, 6 mars 2019). Cette position a été suivie par une majorité des militants socialistes.

La votation sur la révision fiscale cantonale aura lieu le 19 mai, en même temps que celle sur le paquet liant, au plan national, la révision fiscale à des mesures de financement de l’AVS. Le Parti socialiste genevois fera donc bloc avec les Verts, la gauche radicale et les syndicats pour appeler à un double NON le 19 mai: NON à la RFFA fédérale, NON à sa déclinaison cantonale.

SERVICES PUBLICS, SSP, 22 mars 2019 â—¼

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