La nouvelle réforme de l’AVS déjà clouée au pilori

Après Prévoyance vieillesse 2020, voici AVS 21. La retraite des femmes à 65 ans et une hausse de la TVA de 0,7 à 1,5 point en font partie. Les critiques fusent de toutes parts.

«Après vingt ans d’échecs, nous avons besoin d’un succès», souligne Alain Berset. La dernière réforme de l’AVS à avoir été acceptée est la onzième révision, entrée en vigueur en 1997. Depuis cette date, la prévoyance a vécu une bérézina démocratique. Tour à tour, la onzième révision (2004), la onzième révision bis (2010), la baisse du taux de conversion du deuxième pilier (2010) et Prévoyance vieillesse 2020 (PV 2020, en 2017) ont toutes échoué. Le ministre de l’Intérieur espère que cette fois sera la bonne. A voir les réactions enregistrées après la présentation de son projet AVS 21, mis en consultation jusqu’en octobre, on doit constater que ce sera difficile.

AVS 21 reprend l’idée d’égaliser l’âge de la retraite pour tous à 65 ans, pourtant déjà refusée deux fois, en 2004 comme en 2017. «Pour beaucoup, la retraite des femmes à 65 ans n’est de loin pas une évidence», concède Alain Berset. C’est un euphémisme. Et c’était clairement l’un des principaux motifs du rejet de Prévoyance vieillesse 2020 (PV 2020) en septembre dernier.

Deux variantes en discussion

Le Conseil fédéral propose un mécanisme de compensation qui atténuerait le choc pour les femmes de la tranche d’âge de transition, celles qui sont nées entre 1958 et 1966. Le report de la fin de la vie active se ferait par étapes, dès 2021. Les femmes nées en 1958 auraient droit à leur rente AVS à 64 ans et 3 mois, la génération 1959 à 64 ans et 6 mois, celle de 1960 à 64 ans et 9 mois et les femmes nées en 1961 (et après cette date) à 65 ans. En guise de compensation, le Conseil fédéral présente deux variantes. Les deux prévoient une réduction diminuée de la rente en cas de retraite anticipée. Pour celles dont le revenu annuel ne dépasse pas 56 400 francs, le sacrifice serait de 5% pour trois années d’anticipation, de 3,5% pour deux années et de 0% en cas de sortie de la vie active à 64 ans. Pour celles qui gagnent 56 401 francs et plus, les taux de réduction seraient de, respectivement, 6,8%, 4% et 2%. Cette variante coûterait 400 millions à l’AVS.

La seconde solution mise en consultation est plus généreuse. Elle reprend ces mêmes taux de réduction, mais les combine avec un nouveau calcul des rentes. L’augmentation serait en moyenne de 70 francs par mois – le même montant que ce qui était prévu pour tous les nouveaux rentiers dans PV 2020 – et atteindrait au maximum 214 francs pour celles dont le revenu annuel est de 42 300 francs. L’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) estime qu’environ 25% des femmes concernées feront usage de ces possibilités de retraite anticipée et que 54% bénéficieront de la formule de rente plus avantageuse du second scénario, qui coûterait 800 millions.

Ces mesures ne satisfont pas la gauche, toujours opposée au relèvement de l’âge de la retraite des femmes. «PV 2020 proposait des compensations dignes de ce nom, dans le cadre du deuxième pilier, qui devenait plus accessible pour les femmes. Nous ne pouvons pas accepter ce qui est proposé ici, ce d’autant moins que les inégalités salariales ne sont toujours pas résolues. Pas de compensation, pas d’égalité, donc pas de retraite à 65 ans!» martèle la conseillère nationale Rebecca Ruiz (PS/VD). L’Union syndicale suisse (USS) et Travail.Suisse partagent cet avis.

La hausse de la TVA est controversée

Le second pilier d’AVS 21, c’est la TVA. Ce printemps, Alain Berset avait envisagé une hausse de 1,7 point de pourcentage. Il parle désormais de 1,5 point. Pourquoi cette différence? «Parce que nous avions initialement pensé résoudre les problèmes de l’AVS jusqu’en 2033, mais nous visons désormais 2030. Nous voulons garantir le fonds AVS jusqu’à cette date. Une autre réforme sera nécessaire dans les années 20», explique-t-il.

Une telle hausse est-elle encore nécessaire si le modèle de réformes combinées fiscalité/retraites adopté par le Conseil des Etats en juin s’impose? «Dans ce cas, il ne faudrait que 0,7 point à l’horizon 2030», répond Alain Berset. Mais la droite fait barrage contre le relèvement de l’impôt à la consommation. «Cette hausse est inacceptable», critique la conseillère aux Etats Karin Keller-Sutter (PLR/SG), qui a beaucoup travaillé à l’élaboration d’un plan B après l’échec de PV 2020. Elle reconnaît cependant que les modèles de compensation pour les femmes présentés par le Conseil fédéral s’inspirent clairement de ce plan B, ce qui la réjouit. «Nous disons non à 1,5%, mais sommes prêts à accepter une hausse maximale de 0,3% de la TVA combinée avec la hausse des cotisations salariales de 0,3% décidée par le Conseil des Etats dans le cadre du Projet fiscal 17», réagit l’Union suisse des arts et métiers (USAM). L’Union patronale suisse (UPS) et l’UDC rejettent également la majoration de TVA proposée.

Sur le plan financier, les besoins de l’AVS sont estimés à 53 milliards de francs d’ici à 2030. La retraite des femmes à 65 ans ramènerait la facture à 49 milliards. Et les mesures prévues par le Conseil des Etats et sur lesquelles le Conseil national se prononce en septembre – hausse des cotisations salariales de 0,3%, prélèvement de 820 millions dans la caisse fédérale – à 23 milliards.

Le Temps, Bernard Wuthrich, 28 juin 2018

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