Les listes de mauvais payeurs sur la sellette

Plusieurs cantons envisagent d’abandonner la liste noire des personnes qui ne s’acquittent pas de leurs primes maladie. Les Grisons ont annoncé cette semaine l’abolition de leur liste noire des mauvais payeurs des caisses maladie à compter d’août.

C’est le premier des neuf cantons qui ont introduit ce système à faire machine arrière. Plusieurs autres envisagent de suivre.

Autorisées depuis la modification de la loi sur l’assurance-maladie de 2012, les listes noires des personnes ne payant pas leurs primes ont été introduites dans neuf cantons, principalement alémaniques (AG, SO, LU, ZG, SH, TG, SG, TI et GR). Actuellement, 33′575 personnes au total y figurent, selon des chiffres de Santésuisse.

Pour leurs partisans, ces listes représentent un moyen de pression à effet dissuasif. En effet, elles permettent aux assurances-maladie de ne rembourser que les soins d’urgence aux personnes inscrites. Les cantons doivent eux rembourser aux assureurs 85% des coûts causés par les personnes en défaut de bien.

Le gouvernement grison constate que la liste, introduite dans le canton en 2014, n’atteint pas les objectifs escomptés. Le problème: les assureurs omettent d’annoncer systématiquement les mauvais payeurs aux autorités.

L’effet dissuasif n’est pas atteint, puisque ces personnes ne peuvent pas être sanctionnées. De plus, cela conduit à des inégalités de traitement entre les mauvais payeurs, car certains ont été annoncés et d’autres pas.

Critiques à Soleure, Schaffhouse et Argovie

La grogne monte aussi dans d’autres cantons. A Soleure, le Parlement devrait charger ces prochaines semaines le gouvernement d’élaborer une modification de loi afin d’abolir la liste noire. Là non plus, aucun effet dissuasif n’a été constaté. Au contraire, le nombre de noms sur la liste est en constante hausse depuis son introduction en 2012.

Le canton constate aussi que les personnes concernées sont le plus souvent en difficulté financière, et non pas de simples mauvais payeurs. Par ailleurs, gérer la liste qui compte près de 3000 noms coûte 65′000 francs par an.

Avantageuses pour les caisses maladie

Le canton conclut que la liste noire est avant tout avantageuse pour les caisses maladies. Celles-ci ne remboursent que les soins d’urgence et sont remboursées par l’Etat à 85%.

Même son de cloche du côté de Schaffhouse. Malgré la liste noire introduite en 2014, les primes impayées ont augmenté de 27% l’an dernier. Le gouvernement s’est fixé comme point fort pour 2018 de réviser la loi sur les caisses maladie et d’examiner l’abolition ou la conservation de la liste noire sous une forme modifiée.

En Argovie, qui compte avec plus de 12′000 noms la plus longue liste noire, le PS a déposé en mai une motion pour son abolition. La conseillère d’Etat en charge de la santé, l’UDC Franziska Roth, avait déclaré que la liste ne résolvait aucun problème, mais en créait, au grand mécontentement de son parti, fervent partisan des listes noires.

Motion fédérale déposée

La possibilité donnée aux cantons de conduire une liste noire pourrait même être éliminée au niveau fédéral. Le conseiller national Angelo Barrile (PS/ZH) a déposé le 15 juin une motion demandant que la base légale soit biffée de la loi sur l’assurance-maladie.

En 2015 déjà, une étude mandatée par le canton de Zurich avait clairement remis en question les avantages des listes noires par rapport à leurs coûts pour les autorités. Elle n’avait pas constaté de différence significative de la morale de paiement dans les cantons avec ou sans liste. Le canton de Zurich avait par la suite rejeté l’introduction d’une liste noire.

Pas de définition de la notion d’urgence

Contactée par l’ats, l’organisation des assureurs-maladie santésuisse rappelle pour sa part s’être toujours montrée critique envers ces listes qui «génèrent plus de travail administratif, donc des coûts supplémentaires. De plus, elles posent des problèmes au niveau de leur application, puisqu’il n’existe pas de définition uniforme de la notion d’urgence au plan suisse.»

Récemment encore, le cas d’un malade du sida inscrit sur liste noire, révélé par la «SonntagsZeitung», a relancé la polémique. L’homme est décédé après que son assurance lui a refusé le remboursement de son traitement.

Dans un autre cas, un assureur a refusé de payer pour l’accouchement d’une femme inscrite sur liste noire à St-Gall, estimant qu’il ne s’agissait pas d’un cas d’urgence.

L’hôpital a mené l’affaire devant le Tribunal des assurances du canton, qui lui a donné raison. Selon le tribunal, les cas où le devoir d’assistance est en jeu sont des cas d’urgence. (ats/nxp)

24 Heures, 24.06.2018

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