L’OMC menace l’agriculture suisse

Un large front d’organisations appelle à manifester, demain à Genève, contre la 11e Conférence ministérielle de l’OMC qui aura lieu du 10 au 13 décembre à Buenos Aires. (Photo : Siège de l’OMC, Genève a été le théâtre de manifestations d’envergure, comme ici en 2009).

Non, l’OMC n’est pas morte! Elle s’est juste un peu éloignée du feu des projecteurs. Membre du mouvement Solidarités, Thibault Schneeberger explique cette discrétion par le fait que les mouvements alter et antimondialistes ont concentré leurs actions sur les traités de libre-échange comme TiSA (accord sur le commerce des services). Mais la «police du commerce planétaire» n’en est pas moins sur le qui-vive. Du 10 au 13 décembre, elle tiendra sa 11e Conférence ministérielle dans la capitale argentine, Buenos Aires. Cette rencontre promet de nouvelles dérégulations potentiellement «désastreuses tant pour le Sud que pour le Nord, y compris la Suisse», avertit Rudi Berli, président de la section genevoise d’Uniterre. A la tête de la fronde1, le syndicat paysan appelle à manifester «contre l’OMC et les traités de libre-échange», ce samedi à 14 h, à la place de la Navigation, dans le quartier genevois des Pâquis. Avec un mot d’ordre simple: «dégageons l’OMC».

«Crainte des excès de zèle»

Parmi les thèmes à l’ordre du jour de la conférence, un sujet inquiète particulièrement Uniterre. Celui de la «réduction des soutiens internes». La Suisse est, en effet, régulièrement épinglée pour ses payements directs aux paysans, dans la mesure où ils peuvent constituer une distorsion de concurrence, singulièrement par rapport aux pays du Sud. Sans être fermé à la discussion, Uniterre craint des excès de zèle de la délégation helvétique, emmenée par le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann. Ce dernier ne s’est pas caché qu’il était prêt à lever les barrières douanières pour favoriser, en retour, nos exportations de montres, médicaments et machines-outils (lire notre édition du 6 décembre).

De plus, les négociateurs helvétiques rencontreront sur place leurs homologues du Mercosur (marché commun d’Amérique du Sud), avec qui la Suisse a entamé un rapprochement. La crainte des paysans suisses est, qu’à terme, l’Argentine ou le Brésil puissent inonder les supermarchés helvétiques de soja, de bœuf et de poulet industriels.

«Taxe Nutella» allégée

«Ce serait criminel pour les paysans suisses», s’insurge Rudi Berli. Surtout que les Suisses viennent de plébisciter en votation un article sur la souveraineté alimentaire. «On est en pleine contradiction: d’un côté, on doit produire dans le respect des animaux, des normes sociales et des ressources naturelles, et de l’autre le gouvernement pousse à toujours plus de dérégulation internationale.»

Fondamentalement, pour Thibault Schneeberger, l’OMC est tout simplement un fléau mondial. Et pas seulement dans le domaine de l’agriculture. Il rappelle que c’est la seule organisation internationale qui a le pouvoir de prononcer des sanctions économiques véritablement dissuasives à l’encontre des pays supposés enfreindre les lois du libre-échange. Il suffit qu’une multinationale – via son pays de domicile – menace de saisir l’Organe de règlement des différends de l’OMC pour que la législation du pays soit modifiée en sa faveur. Les exemples ne manquent pas. Ainsi, eu égard aux dégâts environnementaux liés à sa culture, la France a instauré une taxe sur l’importation d’huile de palme («taxe Nutella»). D’abord fixée à 900 euros la tonne, à l’horizon 2020 elle a été divisée par dix à la suite des protestations de l’Indonésie et de la Malaisie qui auraient eu beau jeu d’invoquer une distorsion de la concurrence devant l’OMC. Et c’est encore sous la menace de cette institution que l’Union européenne aurait renoncé à classer les sables bitumineux du Canada comme source d’énergie particulièrement polluante.

En définitive, pour le militant, l’OMC n’est pas réformable. Le credo des avantages comparatifs au nom duquel on déplace des marchandises d’un bout à l’autre de la planète est un non-sens environnemental, économique et social. Pour lui, pas d’alternative, il faut: «dégager l’OMC».

Le Courrier, 08 décembre 2017, Philippe Chevalier

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