RIE III: l’exécutif genevois a accouché du bébé

Le gouvernement a adopté dix projets de lois transmis au Grand Conseil. Le taux unique reste envisagé à 13,49%, mais les compensations sont affinées. Votation à l’automne 2017.

Préserver l’emploi, tout en limitant le manque à gagner fiscal. Voilà le délicat équilibre qui fonde la mise en œuvre cantonale de la troisième réforme de l’imposition du bénéfice des entreprises (RIE III). C’est avec cette introduction que le président de Conseil d’Etat genevois, François Longchamp, accompagné du collège gouvernemental in corpore, a présenté la mouture complète de cette «réforme fiscale et économique sans précédent». Mercredi, le Conseil d’Etat a adopté un train de dix projets de lois à l’attention du Grand Conseil. Au terme de la consultation, les mesures d’accompagnement sont un peu ajustées, mais le taux unique d’imposition est maintenu à 13,49%.

C’est sous pression internationale que la Suisse procède à cette harmonisation, en mettant fin aux taux préférentiels pour les entreprises à statut, dont les multinationales. A Genève, rappelle le grand argentier, Serge Dal Busco, pour souligner l’enjeu sur le tissu économique, ces sociétés concernent près de 20 000 emplois directs et 40 000 indirects, pour 1,1 milliard d’impôts.

Taux unique à 13,49%

A l’issue de la table ronde, puis de la consultation, le Conseil d’État a maintenu le taux qu’il avait calculé «avec beaucoup de finesse», commente Serge Dal Busco. Restait à savoir comment les outils fiscaux proposés par Berne seraient utilisés. «De façon sélective», à croire le conseiller d’État. Pour éviter que les holdings ne s’en aillent, il est prévu une imposition réduite du capital relatif aux participations, brevets, prêts à des sociétés du groupe. Et Genève ne fera pas usage des allègements sur les intérêts notionnels (NID). Critiquée à l’international, cette niche fiscale créerait un «effet d’aubaine» en faveur des entreprises endogènes, celles qui n’ont justement pas besoin de voir le choc atténué.

Encourager la recherche et l’innovation

Les patent box, un allègement sur les brevets, favoriseront aussi en premier lieu ces entreprises. C’est pourquoi leur usage sera modéré, avec une limitation à 10% de la réduction de l’imposition du produit concerné. Genève mettra à l’inverse le paquet pour encourager la recherche et l’innovation, en permettant des déductions supérieures (150%) aux sommes consacrées à ce poste. Sont avant tout concernées des entreprises à statut, en particulier dans le domaine de la pharma.

Mais un plancher sera fixé. En cumulant tous les allègements possibles au niveau cantonal, une entreprise ne pourra pas être taxée en dessous de 13%. En outre, pour compenser un peu les pertes fiscales, la part des dividendes imposable augmentera de 10%, avec 18 millions de recettes à la clé.

Manque à gagner fiscal: 440 millions

Taxées aujourd’hui à 24,2%, les entreprises locales économiseront 750 à 800 millions d’impôt, tandis que celles à statut, taxées en moyenne à 11,7%, payeront 300 millions de plus. Après la rétrocession promise par la Confédération, le manque à gagner pour les collectivités s’élèvera à 440 millions, dont 350 millions pour le canton et 90 millions pour les communes (dont 54 millions pour la Ville de Genève).

Pour éviter des coupes dans les prestations, le frein au déficit serait suspendu jusqu’en 2023 (mais pas le frein à l’endettement) et les communes autorisées à présenter des déficits durant cette période. Car l’État table sur un retour à l’équilibre budgétaire cinq ans après le début de la réforme, prévue pour 2019. Une «estimation prudente», selon le vert Antonio Hodgers.

Des mesures d’accompagnement

Les pertes fiscales seront atténuées par des mesures d’accompagnement financées par les employeurs. Une cotisation de 0,22% sur les salaires (plafonnés à 148 000 francs) engendrera 60 millions de recettes récurrentes, dont environ 12 millions assurés par les employeurs que sont les collectivités publiques (1,3 million par les communes, 4,3 millions par le petit État, tandis que la part du grand État n’est pas précisément estimée). Quelle part sera supportée par les PME qui ne font pas ou peu de bénéfices et ne verront donc pas leurs impôts allégés? Pas de réponse.

Ces 60 millions sont répartis comme suit: 18,8 millions sont destinés à l’accueil préscolaire, 17,2 millions à la formation professionnelle, 16 millions pour renforcer les transports publics aux heures de pointe et 8 millions pour lutter contre le chômage.

Des mesures non récurrentes seront financées par une augmentation du taux d’imposition des entreprises de 0,3% limitée à cinq ans, dégageant 44 millions annuels. Nouveauté: en accord avec les communes, celles-ci recevront 20% de cette somme (8,8 millions), ce qui respecte grosso modo la proportion des charges publiques qu’elles assument. Une moitié ira en faveur des lieux pour la culture émergente, le reste étant mutualisé dans le Fonds intercommunal et le Fonds intercommunal pour le développement urbain.

L’État, lui, mettra 50% de ce qu’il recevra (35,2 millions) dans une Fondation de soutien à l’innovation économique, le reste servant à construire un bâtiment consacré à la formation professionnelle, à favoriser les logements étudiants et les coopératives, à poursuivre les aménagements cyclables et piétons et à encourager la culture émergente.

Votation à l’automne 2017

Comptant sur une acceptation de la réforme fédérale, en votation le 12 février, le gouvernement espère que le volet cantonal sera voté au printemps 2017 par le Grand Conseil. L’exécutif l’a soumis au référendum automatique. Si deux tiers des députés l’acceptent, les Genevois se prononceront à l’automne sans passer par le lancement d’un référendum.

Par communiqué, les milieux économiques ont salué un projet qui répond à leurs attentes.

Quelques chiffres

Un taux unique à 13,49%, avec un plancher à 13%

Manque à gagner pour les collectivités publiques : 440 millions

60 millions de compensations patronales récurrentes, et 44 millions jusqu’en 2023

Le Courrier, Jeudi 17 novembre 2016, Rachad Armanios

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