Un géant jaune en mode explication

La Poste a annoncé ses coupes après le vote «Pro Service public». Sciemment ou pas?
Le tollé ne s’est pas encore estompé. Il faut dire que La Poste a frappé fort, en annonçant sabrer jusqu’à 600 offices, quitte à mettre 1200 collaborateurs dans l’incertitude.

Aspect intéressant, la bombe a été lâchée moins de six mois après la délicate votation sur l’initiative populaire «En faveur du service public» («Pro Service public»), qui dénonçait justement la logique du profit adoptée par les entreprises publiques de la Confédération. D’où l’interrogation: le géant jaune a-t-il sciemment retardé l’heure fatidique de la transparence sur les fermetures de bureaux?

On se rappelle que l’initiative «Pro Service public», lancée par des associations de défense des consommateurs, s’était écrasée dans les urnes, balayée à deux contre un. Mais avant cette chute brutale, elle avait brillé dans les sondages en première phase de campagne. La classe politique avait alors craint le pire, elle qui, une fois n’est pas coutume, parlait d’une seule voix et faisait front commun contre ce texte.

La Poste peu diserte

Par chance pour les opposants à «Pro Service public», aucune restructuration d’envergure n’avait été communiquée avant le scrutin de juin. Car, de l’avis de certains parlementaires, «si La Poste avait présenté ses plans avant le vote, l’initiative aurait eu de bien meilleures chances de passer».

Le géant jaune se montre peu impressionné par cette observation. Contacté, il n’indique pas depuis quelle période il mûrit son projet. «La transformation du réseau est une tâche permanente qui a débuté il y a quinze ans», lâche, en tout et pour tout, la porte-parole, Nathalie Dérobert Fellay.

Le département fédéral de tutelle, celui des Télécommunications de Doris Leuthard, se montre plus précis. Par la voix de son chef de l’information, Dominique Bugnon, il assure «avoir été informé par La Poste deux à trois semaines avant le public».

Susanne Ruoff devant le parlement

Les coupes ont suscité un tel choc que la patronne du géant jaune, Susanne Ruoff, a dû venir s’expliquer lundi devant la commission des télécommunications du Conseil national. D’après nos informations, la discussion a mis plusieurs thèmes sur la table.

Elle a notamment porté sur le rôle des agences postales. Installés chez un partenaire, un commerçant par exemple, ces sites se substituent aux offices traditionnels, sans pour autant offrir la même gamme de services.

«Ils ne permettront plus de faire des paiements en liquide, ou alors les montants seront limités», rapporte un élu. La Poste attend de ses clients, même les plus âgés, qu’ils fassent preuve de flexibilité et s’adaptent aux nouvelles formes de paiements.

Mais la transformation n’a pas que du négatif, puisque ces agences proposent des horaires d’ouverture plus étendus que les offices postaux.

Consultation avec les cantons

Malgré cela, un député avoue ne pas ressortir «entièrement rassuré de la séance, entre autres en ce qui concerne la desserte des régions périphériques». Un autre se dit plus optimiste, réconforté par le ton constructif de l’échange avec les dirigeants du géant jaune. Il s’empresse toutefois d’ajouter «qu’il s’agira de vérifier cette impression à l’épreuve des faits».

Prochaine étape: après avoir consulté les cantons pour déterminer les bureaux à fermer, La Poste tirera un nouveau bilan avec les parlementaires l’année prochaine.

Mardi 01 novembre 2016, Philippe Boeglin, Le Courrier/LaLiberté

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