Abandon de 600 offices de poste !

La Poste accélère le processus de transformation des bureaux de poste en agences postales
Service public : On s’était habitué à la lente transformation des bureaux de poste en agence postale, mais le géant jaune a décidé de donner un coup d’accélérateur à ce processus.

La directrice générale de La Poste Susanne Ruoff a annoncé hier que près de la moitié des offices subsistant allaient disparaître d’ici à 2020. Quelque 600 bureaux de poste sont condamnés à court terme.

Susanne Ruoff assure que des solutions alternatives seront offertes à la clientèle et que le nombre des points d’accès va même augmenter, mais la nouvelle a eu l’effet d’un coup de tonnerre, en particulier dans les régions périphériques. «La Poste est entrée dans une logique libérale. Cela pose la question du service public», commente le Valaisan Yannick Buttet, vice-président du PDC.

Le sort des 1200 collaborateurs concernés par la disparition des offices reste incertain. La Poste promet de tout faire pour éviter des licenciements, mais elle reconnaît qu’un reclassement ne sera pas toujours possible. Les syndicats se plaignent d’avoir été placés devant le fait accompli.

De 3500 à 800 offices

Il y a quinze ans, la Suisse mettait encore 3500 bureaux de poste à disposition de sa clientèle. Aujourd’hui, il n’y en a plus que 1400. Par contre, 800 agences postales ont été installées dans des commerces et quelque 1600 autres points d’accès ont été créés (service à domicile, automates, points de dépôt et de retrait).
Dans quatre ans, il ne devrait subsister que 800 à 900 offices de postes traditionnels, tandis que le nombre des autres points d’accès va continuer à se développer. «Au total, nous offrirons 4000 points d’accès contre 3700 aujourd’hui», affirme Susanne Ruoff. Il s’agit selon elle de répondre à l’évolution des besoins qui se reflète dans la baisse du volume des lettres et des versements effectués au guichet.

Il est impossible pour l’instant de connaître la liste des ­offices postaux destinés à ­disparaître.

Transparence et dialogue

«Nous allons agir dans la transparence et le dialogue», assure cependant Thomas Baur, responsable du secteur Réseau postal et vente. «Dès le mois de novembre, nous allons discuter directement avec les cantons dans une perspective régionale. Il s’agira en particulier de voir quelles filiales doivent rester en place de manière inchangée au cours des prochaines années. Par ailleurs, des réunions d’information seront organisées dans les communes pouvant être affectées par une modification du réseau.»

Selon lui, des agences postales peuvent être installées quasiment partout. Il cite l’exemple d’une pharmacie, d’un hôtel, voire d’un EMS. Par contre, La Poste assure que le projet consistant à confier à des seniors le soin d’offrir des services de base à domicile n’est qu’une idée en l’air. Evoquée par la presse alémanique, elle est jugée «grotesque» par le syndicat Syndicom. Des solutions sont aussi recherchées pour les clients commerciaux. «Bientôt, nous irons chercher le courrier directement auprès des PME», indique Thomas Baur.

Test pour le service public

Pour le conseiller national Jacques-André Maire (ps, NE), l’ampleur du projet est préoccupante. «Il faudra se montrer vigilant pour éviter des licenciements», affirme-t-il. La transformation du réseau lui paraît en revanche inéluctable. «Je me bats pour le maintien de la distribution dans les régions isolées, mais ce n’est pas antagoniste. Je me réjouis que le Conseil national ait accepté ma motion et celle de Raymond Clottu lors de la session d’automne.»

Pour Yannick Buttet, il est légitime de s’adapter au comportement de la clientèle, mais il ne voit pas la nécessité pour La Poste d’anticiper cette évolution. Il se montre cependant pessimiste sur la possibilité de faire réagir le parlement durant la présente législature. «La seule alternative serait le lancement d’une initiative populaire, mais il faut d’abord attendre de connaître le sort que réservera la population à l’initiative «No Billag» qui propose de supprimer la redevance radio-TV. Ce sera déterminant pour juger de l’intérêt porté au service public.»

Les syndicats fâchés

Syndicom et les autres organisations du personnel s’indignent: le fait d’externaliser des prestations avec des salaires plus bas ne correspond pas à la notion de service public.

Syndicom ne mâche pas ses mots. La conception du réseau postal présentée hier à la presse constitue à ses yeux «le démantèlement le plus drastique dans l’histoire de La Poste». Pour l’organisation syndicale, on ne peut pas présenter comme une stratégie innovante des mesures qui consistent à transférer des services à des sous-traitants avec des conditions de travail nettement moins bonnes et des salaires plus bas.

«Cela ne correspond pas au statut d’entreprise de service public de La Poste», dénonce le responsable de la communication Christian Capacoel. «Au lieu d’externaliser des prestations, il faut former le personnel aux nouvelles technologies.»

Même réaction du côté du petit Syndicat autonome des postiers (SAP). Selon lui, le personnel est sacrifié sur l’autel du profit. «Il n’y a aucun salut à attendre du Conseil fédéral et du parlement actuel, affirme le président du SAP Olivier Cottagnoud. Puisque La Poste Suisse ne s’intéresse plus à son réseau, nous proposons aux cantons opposés à ce démantèlement, en particulier les cantons ruraux et alpins, de s’unir pour créer une Poste intercantonale.» Le SAP caresse cette idée depuis plusieurs années, mais Olivier Cottagnoud reconnaît qu’elle n’a jusqu’ici pas suscité l’intérêt escompté.

Toutes les organisations syndicales exigent le maintien des emplois, mais le syndicat Transfair juge inéluctable la transformation du réseau. Il constate que la réduction prévue du nombre des offices de poste respecte le cadre légal et que l’activité de ces offices est effectivement largement déficitaire. «De ce fait, un démantèlement ne pourra pas être évité, à long terme», écrit-il. Néanmoins Transfair ne comprend pas pourquoi le processus doit être aussi rapide.

Le Courrier, Jeudi 27 octobre 2016, Christiane Imsand

Trois Questions à Matthias Finger

La Poste a-t-elle raison de mettre le turbo pour transformer son réseau?
Bien sûr. Le déficit du réseau postal se creuse chaque année. Sa transformation est inéluctable. Je constate que La Poste a tardé à réagir en comparaison européenne. Elle s’est contentée jusqu’ici de transformer par ci par là un bureau de poste en agence postale. Ce n’était plus suffisant. Le processus est beaucoup plus avancé dans des pays comme l’Angleterre, l’Irlande ou l’Allemagne, où il n’y a pratiquement plus que des agences postales.

La population tient à ses bureaux de poste…
Oui, c’est un réflexe identitaire. Dans bien des villages, le bureau de poste est le dernier service public dans lequel les gens se reconnaissent. Mais le volume du courrier ne cesse de diminuer et le secteur des colis est soumis à une concurrence croissante. La Poste doit réduire ses coûts. Elle le fait en transformant son réseau, pas en le réduisant. Les agences postales ont l’avantage d’être ouvertes toute la journée tout en coûtant beaucoup moins cher.

Craignez-vous que les milieux politiques freinent le mouvement?
Je m’attends à des réactions, mais le monde politique doit aussi prendre ses responsabilités. Il ne peut pas d’un côté demander à La Poste de se comporter comme une entreprise innovante et rentable au point de ramener chaque année 200 millions de francs dans la caisse de la Confédération, et de l’autre côté chercher à préserver le service public dans la configuration du XIXe siècle. Je regrette d’ailleurs que Postfinance n’ait pas obtenu une licence bancaire complète. Cela aurait accru sa marge de manœuvre.

propos recueillis par CIM

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