L’ombre de TISA sur le service public

Sous la houlette des États-Unis, 24 États négocient depuis 2012 un «Accord sur le commerce
des services», dit TISA. Objectif: privatiser des pans entiers du service public. La Suisse n’y échappera pas, comme le démontrent les documents des négociations publiés par WikiLeaks.

Le but de TISA est de déréglementer toutes les prestations de services, de la formation au ramassage des déchets en passant par le secteur de la santé et l’approvisionnement en énergie. Les négociations ont lieu à huis clos. Syndicats et ONG en sont exclus. Par contre, les organisations économiques et les groupes d’intérêts y sont représentés.

EXCEPTIONS SOURNOISES
Chaque pays a la possibilité de formuler une liste de secteurs qui resteront exclus de TISA. Mais
ces listes ne pourront plus être complétées après la signature de l’accord, dont les règles s’appliqueront automatiquement à tous les nouveaux services. Au cas où un gouvernement corrompu monnaierait des «oublis» sur sa liste, ces derniers ne pourraient plus être corrigés ultérieurement.
Plus d’une douzaine d’annexes sont prévues à l’accord sur le commerce des services. Elles seront directement appliquées à chaque pays signataire, même si un État fait figurer le secteur concerné sur sa liste d’exception.
La Suisse a mis le secteur de l’énergie sur sa liste d’exception. Les pays participant aux négociations débattent toutefois d’une annexe concernant l’énergie, qui s’appliquerait directement à notre pays.
Grâce à WikiLeaks, nous savons que cette annexe intègre le concept de «neutralité technologique»: si un État encourage l’énergie solaire ou les centrales hydrauliques, les centrales nucléaires et à charbon pourront faire valoir leur droit aux mêmes subventions.

LA POSTE PRIVATISÉE ?
L’annexe sur les services de télécommunication stipule que l’autorité de régulation ne peut pas détenir de parts au sein des sociétés de télécommunications. En Suisse, c’est la Confédération qui est l’autorité de régulation. Conséquence: selon TISA, Swisscom devrait être intégralement privatisée. Même constat pour les services postaux: La Poste devrait être privatisée, y compris Postfinance, qui occupe une position dominante dans le trafic des paiements et pourrait – une fois privatisée – fournir des milliards de bénéfices à son nouveau propriétaire.
La clause standstill (statu quo) de l’accord interdit des durcissements de loi contrevenant au principe du «traitement national». Exemple: en Suisse, la «Lex Koller» a pour objectif d’empêcher l’acquisition de terrains et d’immeubles par des spéculateurs. Selon TISA, cette loi représente une infraction au «traitement national».
Après la signature de TISA, la Lex Koller ne pourra donc plus être durcie, et les éventuelles lacunes de la loi ne pourront pas être comblées. Pour les pays du Sud, la situation sera encore plus dramatique: avec TISA, aucune limite ne pourra être mise à l’accaparement des terres, puisque cela serait considéré comme une violation du «traitement national».
Autre exemple, celui d’un canton qui a l’intention de sauvegarder ses données dans un Cloud ou de se procurer un backup externe. La Loi suisse sur la protection des données ne peut être appliquée que si le serveur se trouve en Suisse. Or, l’autorité cantonale ne pourra plus demander que le serveur de données se trouve en Suisse. Car si elle formule cette exigence, Microsoft pourra invoquer une discrimination – il sera obligé d’investir dans un serveur supplémentaire en Suisse, alors que son concurrent suisse dispose déjà d’un tel avantage. Cette situation représenterait une infraction au traitement national, interdite par TISA.

CETA EN EMBUSCADE
En parallèle, le parlement européen débat de l’accord CETA, qui a pour but de déréglementer l’ensemble du commerce des biens et services entre le Canada et l’Union européenne. Le traité prévoit aussi la mise sur pied de tribunaux arbitraux privés, qui permettront aux investisseurs de poursuivre des États.
La Suisse négocie discrètement, dans le cadre de l’AELE, l’extension de l’accord de libre-échange AELE-Canada. Il est prévu d’y reprendre toutes les dispositions de CETA. Conséquence: des groupes industriels pourraient déposer des plaintes contre la Suisse et lui réclamer des montants de plusieurs milliards de francs – comme cela est arrivé, par exemple, en Allemagne, où le groupe énergétique suédois Vattenfall demande un dédommagement de 4,7 milliards d’euros à l’État en raison de sa décision de sortir du nucléaire!

Les documents de WikiLeaks ainsi que d’autres informations sont disponibles sur le site: http://tisa-vpod.ch

SSP, Stéfan Giger, Secrétaire général SSP, Éric Roset, photo

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