Comment La Poste réduit son offre en terre vaudoise

Une bonne enquête sur les fermetures d’office de poste dans le canton de Vaud réalisée par Fanny Giroud. Notons que cette journaliste avait aussi contacté Acidus sans nommer notre association dans son article.

Quatre nouveaux bureaux fermeront leurs portes en 2016 dans le canton. «24 heures» lève le voile sur les vrais chiffres de cette mutation. Sondés, nos lecteurs expriment leurs critiques.

Le saviez-vous? Il y a aujour­d’hui dans le canton de Vaud davantage de localités où le service postal est proposé «à domicile» par un employé du géant jaune («La Poste sur le pas de la porte», selon le slogan) que de villes ou villages qui comptent encore un guichet en bonne et due forme. Et si l’on inclut la cinquantaine d’épiceries ou de commerces qui font figure d’«agences postales», ce sont moins de 40% des localités vaudoises qui ont toujours une «vraie» poste.

Le mouvement se poursuit, lentement mais sûrement. Du reste, le monde politique s’en inquiète, à tous les niveaux (communal, cantonal et fédéral). Et La Poste avance sans bruit. Alors, 24 heures a voulu aller plus loin que la carte «muette» que daigne fournir l’entreprise postale, qui indique par des points les localités où règne le service à domicile. Nous en avons saisi la base de données et l’avons fait parler. Et, en sondant 800 lecteurs de notre titre, nous avons voulu savoir quel rapport ils entretiennent avec ce symbole du service public. Le résultat n’est pas brillant.

Un Vaudois sur dix «sans poste»
Dans près de la moitié des localités du canton de Vaud, pour faire un versement ou affranchir un colis, les usagers doivent effectuer leurs opérations postales directement auprès du facteur, ou utiliser leur boîte aux lettres comme dépôt pour le courrier à envoyer. Un petit chevalet fourni par La Poste est alors placé sur la boîte aux lettres pour avertir le facteur.

Pour combien d’usagers les services à domicile constituent-ils le point d’accès officiel au réseau postal? La Poste ne mesure pas cet indicateur. 24 heures a croisé la carte du géant jaune avec les données de la population fournies par Statistique Vaud. Il ressort de ce calcul que quelque 79 000 Vaudois (sur 755 000) disposent des services à domicile, soit plus d’un Vaudois sur dix.
Au 1er juin 2015, le canton comptait ainsi 169 services à domicile (une localité équivaut à un service à domicile), 53 agences postales (dans une épicerie, une pharmacie, etc.) et 140 offices de poste traditionnels. L’évolution nationale est frappante: le nombre de services à domicile a triplé en quinze ans, passant de 405 en 2001 à 1292 actuellement. «Au cours des dix dernières années, le nombre de points d’accès est resté stable (3500 environ), répartis entre offices de poste, agences postales et services à domicile», note La Poste.

Quatre fermetures

L’instauration des services à domicile comme dessertes postales est une des deux solutions principales proposées aux communes pour pallier la fermeture d’un bureau. «Avec un déficit annuel d’environ 100 millions de francs dans le réseau des offices de poste, La Poste se retrouve face à un défi de taille: assurer la desserte de base dans toute la Suisse, avec des prestations de services postaux qui couvrent leurs coûts tout en restant de haute qualité, se défend le géant jaune. Sa mesure pour y remédier consiste à développer continuellement son réseau. Dans le cadre de cette mission durable, La Poste mise aussi sur de nouvelles solutions proches de la clientèle à la fois économiques et rentables», explique Isabelle Mouron, porte-parole romande.

Au cours des deux dernières années, douze bureaux de poste vaudois ont été transformés en agences ou en services à domicile. La fermeture de trois autres est d’ores et déjà prévue pour 2016 (à Penthaz, à Prévonloup et à Crans-près-Céligny). Le couperet va également tomber pour Froideville, a annoncé le Conseil communal la semaine dernière. Les offices du Brassus, d’Arziera-Le Muids, de Lonay et de Morges 3 sont quant à eux «en examen». Enfin, concernant la poste de la Bourdonnette à Lausanne, le syndic Daniel Brélaz indique ne pas avoir de nouvelles.

“Presque aucun recours n’est prix en considération” Jean-léon Blanc - Syndic de Crans-près-Céligny

Communes au pied du mur

A Penthaz, la Municipalité n’a pas voulu des services à domicile pour remplacer l’office de poste, qui disparaîtra l’an prochain. «Cela demande d’attendre le passage du facteur le lendemain, explique le syndic Philippe Besson. Nous avons par ailleurs un certain nombre d’entreprises qui viennent facilement au bureau postal pour les paiements et les livraisons.»

L’office de poste, qui sera transformé en agence chez le détaillant Denner, était «en examen» depuis dix ans. «Nous nous sommes vus tous les deux ou trois ans avec La Poste, se souvient le syndic. Cela nous a permis de retarder l’échéance.»

A Prévonloup, faute de commerce pour héberger une agence, les services à domicile remplaceront l’office de poste dès la mi-février. «Nous avons peu d’arguments pour nous défendre, explique le syndic Alain Michel. Notre bureau de poste actuel est ouvert deux heures par jour, du lundi au vendredi. On nous a fait part des chiffres de la fréquentation. Négocier n’était pas une option.»

Ces Postes vaudoises qui ont fermé

Mobilisation en vain

Face au géant jaune, les communes sont rares à se battre, comme Renens (avec succès) ou Crans-près-Céligny (en vain). Très peu recourent auprès de Postcom, l’organe de régulation du marché postal. L’année dernière en Suisse, 101 transformations ont été effectuées et seules sept requêtes contre la fermeture d’un office de poste ont été déposées. Dans un seul cas, Postcom a demandé à La Poste de revoir sa copie et de reprendre les discussions avec la Commune.

Paudex, qui a sollicité Postcom en 2013, a été déboutée. Idem à Cheyres (FR) il y a un mois. A Crans-près-Céligny, où le bureau de poste fermera dans quelques semaines, le Conseil communal y a renoncé. «Presque aucun recours n’est pris en considération, estime Jean-Léon Blanc, syndic. A quoi bon s’opposer?» Dans le village de La Côte, une pétition de 2200 signatures et la mobilisation des autorités n’avaient pas suffi à émouvoir le géant jaune. Le syndic, résigné, analyse froidement l’évolution du réseau postal. «Tout le monde a voté la loi sur La Poste, et La Poste doit subvenir à la couverture de ses coûts. On n’a pas mesuré la portée de ce qu’on a voté en 2012.»

Droit de regard

En début d’année, plusieurs élus vaudois ont émis des propositions afin de redonner aux communes un droit de veto en cas de fermeture d’un office. «Il y a une prise de conscience nationale sur cette idée de service public postal, estime Julien Eggenberger, député socialiste au Grand Conseil. Notamment en raison de l’agacement vis-à-vis des offices de poste qui se transforment en épiceries.»

Par une initiative cantonale, l’élu demande un droit de regard pour les communes sur l’organisation des points d’accès au réseau postal. La proposition sera débattue prochainement au Grand Conseil, tout comme un postulat du chef de groupe socialiste Nicolas Rochat Fernandez, qui demande au Conseil d’Etat «de trouver une stratégie pour pallier l’hémorragie et d’établir un dialogue avec La Poste». A Berne, une initiative similaire du conseiller national sortant Eric Voruz (VD/PS) doit également être débattue la semaine prochaine lors de la première session du nouveau parlement, ainsi que plusieurs autres objets sur le même thème.

24 Heures
Par Fanny Giroud

Que pensez-vous de la poste ?
Quelles sont vos habitudes en matières de services postaux? L’évolution du géant jaune vous inquiète-t-elle? 820 lecteurs ont répondu à un sondage spécial concocté par la rédaction de 24 heures.

Le sondage
Notre sondage en ligne a été adressé en juin 2015 à 2700 abonnés de 24 heures choisis de manière aléatoire par le service des études de marché de Tamedia. 808 des personnes contactées y ont répondu, ce qui représente un taux de réponse de 29,8%.
L’échantillon de lecteurs sondés est constitué à 41% de femmes (330) et à 59% d’hommes (478). 74,75% des répondants ont dit être âgés de 55 ans et plus. Les 35-54 ans représentent 23,14% des sondés et les 18-34 ans 2%. L’influence des facteurs a été calculée par des tests d’homogénéité et d’association.
L’influence des facteurs a été calculée par des tests d’homogenéité et d’association.

73% des sondés se disent choqués par les changements du réseau postal

La réduction des offices de poste et les changements dans la distribution du courrier affecte­t­elle nos sondés? Un tiers d’entre eux disent être concernés par des changements (35%), tandis que 65% disent ne pas être affectés.

En revanche, 73% se disent choqués par ces changements. 20% se disent indifférents et 6% les approuvent. Les deux questions sont évidemment liées: les personnes indifférentes ou favorables au changement sont moins concernées par celui-ci que celles qui se disent choquées.

92% des sondés vont au bureau de poste pour envoyer du courrier

Combien de fois par année utilisez-vous les services de poste traditionnels? En moyenne, les sondés ont répondu aller à l’office postal 19 fois par année. Ce résultat est indépendant du sexe: les hommes se rendent autant à la Poste que les femmes.

Le paiement des factures ne constitue pas la principale raison de se rendre à la Poste: l’envoi de courrier est le motif invoqué en premier lieu pour 92% des usagers. 84% d’entre eux disent également aller à la Poste pour récupérer un courrier ou un colis. Seuls 41% se rendent au guichet pour des transactions financières, et 6% pour des achats.

45% des sondés sont choqués par l’assortiment en vente dans les offices de poste

L’assortiment proposé à la vente dans certains bureaux de poste est-il vraiment un sujet de polémique? Les réponses obtenues le laissent penser. Electronique, sucreries, nourriture pour animaux, produits de ménage ou jeux: le fait que La Poste vende de nombreux objets sans rapport avec ses activités irrite une majorité des sondés. 45% des répondants se disent «choqués» par cette pratique. 29% estiment que l’assortiment est encombrant et inutile. Seuls 12% apprécient le service, tandis que 14% se disent sans opinion.

4% des sondés disent ne pas recevoir le courrier quotidien directement à domicile

Les Vaudois ne sont pas tous égaux en matières de prestations postales, notamment pour les services traditionnels au guichet. La distribution du courrier quotidien à domicile est aussi en cause: les moins bien lotis doivent aller le chercher dans des batteries de boîtes aux lettres, dans une case postale ou dans une agence.

16% des sondés ont répondu disposer des services à domicile en lieu et place d’un office de poste dans leur localité.

Pour de nombreux Vaudois, les services à domicile remplacent définitivement le bureau de poste. Il s’agit d’un système où le facteur propose les services de poste traditionnels directement à domicile: envoi et réception de colis, paiements de factures, retrait d’argent. L’usager lui fait signe en accrochant sur sa boîte aux lettres un petit écriteau fourni par La Poste. Le pourcentage véritable d’usagers concernés par ce système n’est pas mesuré par La Poste

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