Le parlement va se pencher sur le «bric-à-brac» de La Poste

Les opposants à la politique commerciale du géant jaune vont remettre le couvert en septembre à Berne.
La vente de produits tiers dans les offices postaux constitue une concurrence frontale pour les commerçants et les PME, estiment bon nombre d’élus fédéraux.

Il s’en est fallu d’un cheveu. Au début de cette année, par 13 voix contre 12, la Commission des télécommunications du National a refusé l’initiative parlementaire de Rudolf Joder (UDC/BE), qui demandait une modification de la loi afin que La Poste se concentre à nouveau sur son objectif entrepreneurial «au lieu de vendre de plus en plus de bric-à-brac». La Commission, néanmoins, s’est fendue d’un postulat plus nuancé – incitant l’ex-régie à «développer son offre de produits tiers de manière modérée» – que le Conseil fédéral s’est dit prêt à examiner.

Lors de la session de juin, le Conseil national n’a pas eu le temps de traiter le postulat et l’initiative parlementaire, pourtant inscrits à l’ordre du jour. Il le fera donc en septembre et le score, vraisemblablement, sera à nouveau serré. Il le sera d’autant plus que La Poste, dans l’intervalle, s’est distinguée en demandant à ses facteurs de convaincre les clients à retirer les autocollants antipub des boîtes aux lettres, puis en proposant une vignette «Publicité OK!» à ceux qui souhaiteraient recevoir des échantillons de produits divers. Deux initiatives qui s’étaient notamment attiré les foudres de la Fédération romande des consommateurs et du conseiller national Yannick Buttet (PDC/VS), pour qui «le stade de la malhonnêteté est dépassé».

Temps et argent gaspillés

A la veille des débats, le conseiller national Olivier Feller (PLR/VD), qui a signé l’initiative de Rudolf Joder, déplore les interférences du postulat: «J’estime que le parlement doit faire un choix politique clair: soit La Poste continue à exercer une activité relevant du commerce de détail, soit elle cesse cette activité. L’initiative permet au Conseil national de faire ce choix alors que le postulat ne sert à rien, dès lors qu’il se contente de demander au Conseil fédéral d’élaborer un rapport. Il est quasi certain que la conclusion de ce rapport sera qu’il n’est pas possible de modifier la situation actuelle. Ce postulat, c’est du temps et de l’argent gaspillés: il occupera l’administration sans faire avancer le dossier.»

«Les employés de La Poste doivent désormais se comporter comme des commerçants»

A l’appui de leurs arguments, les opposants aux pratiques commerciales du géant jaune s’appuient encore et toujours sur la loi fédérale sur l’organisation de La Poste (LOP), dont l’article 3 mentionne les trois tâches qui lui incombent sans ambiguïté: le transport d’envois postaux et d’envois de détail, les services financiers et le trafic régional de voyageurs.

«Sur le plan juridique, la vente par La Poste de livres, de portables, de chocolat, de montres, de nourriture pour animaux, de pommeaux de douche, et j’en passe, me paraît donc contraire à la loi, poursuit Olivier Feller. Sur le plan économique, de surcroît, l’ex-régie, qui est une société qui appartient à la Confédération, ce qui lui offre une stabilité et une sécurité financières que les entreprises privées n’ont pas, concurrence de façon directe et déloyale les commerçants et les PME.»

Pas de frais de transport

Le conseiller national PLR relève une autre pratique en matière de concurrence déloyale. A la dernière page du catalogue Post­Shop, qui propose plusieurs fois par an la vente en ligne de barbecues, de fours à fondue, de mixeurs, de rasoirs, de bijoux, de coussins, etc., figure la mention suivante: «Que vous commandiez sur postshop.ch ou au guichet, nous vous livrons les produits francs de port à l’adresse de votre choix, et ce dans toute la Suisse et au Liechtenstein.»

«La Poste profite de l’une de ses missions légales – le transport d’envois de détail – pour offrir au consommateur des produits à un prix ne tenant pas compte du coût du transport, relève Olivier Feller. J’envisage donc de déposer une nouvelle interpellation, parce que le problème dépasse l’objet de l’initiative parlementaire de mon collègue Joder: aucune entreprise privée ne peut en effet bénéficier de la gratuité du transport des produits qu’elle offre sur le marché.»

Assortiment épuré

Les salves à venir semblent ne pas inquiéter outre mesure le géant jaune, qui entend fixer librement ses choix commerciaux, et leurs limites, dans quelques mois. «Le transport d’envois postaux et d’envois de détail souffre d’un déficit annuel d’une centaine de millions, alors que la vente de produits tiers a rapporté 508 millions en 2014, rappelle Nathalie Dérobert Fellay, sa porte-parole. Nous ne sommes toutefois pas insensibles au problème et nous avons donc lancé, au mois d’avril, un assortiment épuré de produits et de prestations dans 20 offices de poste, parmi lesquels un à Lausanne, un à Gland, un à Genève et un à Meyrin. En fonction des résultats du test, qui seront connus en fin d’année, l’assortiment de produits sera définitivement adapté dans l’ensemble du pays.»

24 Heures, 25.08.2015

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