Putsch de l’argent sur la démocratie

Depuis le début de la semaine, ça négocie sec à Bruxelles: les Etats-Unis et l’Union européenne sont en train de concocter un nouveau partenariat scélérat sous l’acronyme de TTIP (Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, ou TAFTA, selon une autre appellation). En fait, il ne s’agit rien moins que du retour de l’AMI (Accord multilatéral sur l’investissement).
Ce dernier avait été abandonné en 1998, après un «outing» par les bons soins du Monde diplomatique et une large mobilisation citoyenne menée par des poids lourds comme Attac. Il n’avait pas survécu au test dit de Dracula. Son exposition à la lumière de la publicité avait provoqué sa mort.
Reste que les vampires ont la peau dure. Et, depuis une année, l’ouvrage a été remis sur le métier. Si le traité aboutit – l’échéance affichée est 2015 –, cela créera une zone de libre-échange représentant la moitié du PIB mondial!
Comme pour l’AMI, les négociations se font dans l’opacité la plus totale. Les citoyens sont soigneusement tenus à l’écart, histoire de ne pas rééditer le fâcheux précédent de 1998. En revanche, les lobbies ont table ouverte dans ce banquet économique.
De fait c’est une véritable machine de guerre néolibérale qui se met en place et dont la vraie finalité est de désarmer les Etats au profit d’un marché libre et non faussé1, selon la formule à la mode dans ces
cénacles
Le but est de liquider tout ce qui pourrait constituer un obstacle au commerce. Ainsi, plus question d’interdire la présence d’OGM dans certains produits comestibles au nom du principe de précaution, comme le font les pays européens, sous peine de s’exposer à des amendes de plusieurs dizaines de millions de francs. Les Etats-Unis ont d’ores et déjà imposé de telles règles dans plusieurs accords commerciaux. Les demandes de dommages et intérêts en cours d’instruction se montent à 14 milliards de dollars!
Parmi les autres domaines à libéraliser, on trouve les normes environnementales – gare au pays qui se méfie des gaz de schiste, des centrales nucléaires ou à charbon, ou qui entendrait contingenter l’émission des gaz à effet de serre. Et, bien sûr, les services, par exemple la santé. Ou l’enseignement, encore en mains publiques, mais pour combien de temps?
L’Union européenne s’étant transformée en vaste usine néolibérale, seule une mobilisation citoyenne sera à même de mettre fin à ce putsch de l’argent sur la démocratie. Les expériences de l’AMI ou de l’ACTA (un accord similaire sur la propriété intellectuelle) ont montré que de tels défis peuvent être relevés avec succès.

1 Voir notamment Lori M. Wallach, «Le Traité transatlantique, un typhon qui menace les Européens», Le Monde diplomatique, novembre 2013.

Philippe Bach, 13 mars 2014

Le Courrier

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