L’affaiblissement des services publics

Notre association Acidus a pour but la défense des usagers du service public. Elle demande aux autorités fédérales, cantonales et communales de promouvoir et de développer un service public de qualité, respectueux des usagers, des employés et de l’environnement, accessible à tous et économiquement performant, selon les principes d’égalité et de solidarité.

Elle incite aussi les citoyens que sont les usagers à défendre eux-mêmes le service public auquel ils ont droit en tant que contribuables. Nous partons du fait que l’un des buts de l’État est le bien commun et que son activité répond à l’intérêt public.

Notre patrimoine a été construit à travers les temps par les personnes habitant en Suisse, sous forme de biens matériels et immatériels (santé, éducation, justice, transports, ressources énergétiques, distribution et traitement des eaux, communications, etc). Aujourd’hui, nous en sommes tous les usufruitiers : ses revenus nous appartiennent, sous forme d’un droit d’usage et contribuent à une société plus juste, plus solidaire, plus humaine.
La gestion de notre patrimoine commun est assurée par un ensemble de services publics, financés eux aussi par les impôts et les taxes payés par les contribuables. Ils assurent le bon fonctionnement des prestations nécessaires à la collectivité.
Ce mode de redistribution de la richesse nationale est aussi une manière de rétablir une certaine égalité des chances, garantie de la cohésion sociale.
Notre patrimoine commun, n’est pas une marchandise. Les biens, qui le composent ne doivent pas être source de profit. Ils doivent donc être impossibles à monnayer.
Un service public fort et de qualité est un facteur de stabilité et de cohésion sociale.

Rôle de l’État en matière de service public
L’État doit garantir un service public fort et de qualité, accessible à tous. Il doit constamment veiller à son amélioration et à son développement. État et service public sont indissociables. Le service public n’a pas de sens sans l’État et l’État n’a aucune justification sans service public. C’est une réciprocité : des prestations offertes en retour des impôts payés. La privatisation du service public est donc la mort de l’État mais aussi la mort de la démocratie.
La privatisation du service public n’a aucune justification économique. Pire : elle est un scandale social et un aveu d’impuissance politique.

Les services publics n’ont pas pour objectif la rentabilité financière: ils sont au service d’une population qui les paie et doit pouvoir les contrôler. Les bénéfices se mesurent en un surplus de qualité de vie. Si toutefois un service public dégageait un bénéfice financier, tant mieux. Celui-ci doit permettre, soit de financer d’autres secteurs publics en difficulté, soit d’améliorer la qualité des prestations du secteur public bénéficiaire. En aucun cas, les bénéfices dégagés par un service public ne peuvent servir à payer des actionnaires.

La vente d’un service public au secteur privé aux fins d’en faire une source de bénéfices est une violation inacceptable du contrat social. C’est une trahison de l’engagement de l’État vis-à-vis du bien commun, puisqu’elle implique d’une part la disparition d’un morceau du patrimoine commun et qu’elle contraint d’autre part la population à payer une seconde fois - à l’entreprise privée - ce qu’elle a déjà financé auparavant.

Et comme le service public attise la convoitise des grands de ce monde de l’économie, il est attaqué de toutes parts.
Par exemple, par l’AGCS (Accord Général sur le Commerce des Services) qui est un accord multilatéral élaboré par l’OMC, Organisation mondiale du commerce, depuis 1995 sous l’impulsion des Etats-Unis, et qui concerne les “services” au sens très, très large du terme.

En fait, l’AGCS prévoit la privatisation totale de l’ensemble des services publics: la distribution d’électricité, la poste, les transports publics, mais aussi la santé et l’éducation dont l’accès sera ainsi réservé aux plus favorisés. A terme, cela signifie une baisse de l’espérance de vie, un retour massif de l’illettrisme, des populations de plus en plus manipulables…

L’AGCS prévoit donc la libéralisation totale de secteurs d’activité, dont certains représentent de fabuleux marchés mondiaux qui excitent depuis longtemps la convoitise du secteur privé (2000 milliards de dollars pour l’éducation, 3500 milliards de dollars pour la santé).
Les négociations de l’AGCS se déroulent dans la plus grande opacité. Malgré les demandes répétées de parlementaires de toute l’Europe, l’accès aux documents de négociation leur a été refusé.

L’AGCS vise à accorder toujours plus de liberté et de droits aux multinationales, à réduire le pouvoir économique des états. Ces attaques s’inscrivent dans ce qui doit être appelé une guerre, une guerre des entreprises contre les citoyens.
Cette guerre a des objectifs: démanteler méthodiquement l’ensemble des réglementations sociales et environnementales, annuler l’ensemble des droits sociaux acquis depuis un siècle, supprimer toute entrave à la “liberté” des entreprises (liberté de polluer, liberté d’exploiter sans limites, liberté de détruire des vies par la misère et le chômage…), et anéantir définitivement le pouvoir des institutions élues (les états) et donc, de la démocratie.
Actuellement, le cycle de Doha, dernier round de négociations connu, est tacitement suspendu depuis 2008. L’AGCS est aujourd’hui en veilleuse, nous devons alors aussi être en veilleuse et prêts à intervenir. Ces accords ne sont pas caducs !

En Suisse, d’autres attaques aux services publics sont menés, par exemple par Economiesuisse
Ses dernières exigences concernent l’approvisionnement énergétique, les trafics routier et ferroviaire, l’aviation, la poste et les télécommunications.
Dans le trafic routier, la réalisation de projets routiers urgents. Le « Tout à la voiture »… La Confédération devrait encore céder ses parts dans Swisscom. Dans le trafic ferroviaire, un financement respectant le frein à l’endettement», alors qu’on connaît comment le frein à l’endettement est dangereux. S’agissant de la poste, une ouverture intégrale du marché pour que les clients bénéficient ainsi «de gains d’efficience». Les prix des prestations des CFF fondés sur les coûts effectifs, la participation accrue des usagers au financement des coûts et le prix modulé en fonction de l’heure.
Voilà une attaque en règle au service public !

Pour l’OCDE: austérité et libéralisme sont toujours au menu
Dans son rapport du 28 février 2012, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) se félicite de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) et de ses suppressions de moyens et des effectifs publics et préconise une méthode similaire à imposer à d’autres collectivités. Donc vider le service public de sa substance.
Par exemple, c’est la destruction de 500 000 emplois publics dans la Fonction Publique française.
Encore une furieuse attaque aux services publics !
Et nous pourrions continuer ainsi la liste.

Usagers devenus clients
Usager est un mot issu du droit romain : le jus utendi ou usus, droit d’user de la chose.
Le rapport des usagers aux services publics a évolué. Longtemps, le point de vue des ingénieurs l’emportant souvent lors des choix décisifs en matière de fourniture des services publics. Or, au début du vingtième siècle, l’émergence de la notion de service public s’est fondée en grande partie sur l’importance à accorder des droits aux utilisateurs.

Aujourd’hui, on assiste à un renforcement progressif de la dimension marchande du service public, avec l’idée que l’usager doit payer le service à son coût, avec la fin de la notion de solidarité. Auparavant, l’usager était avant tout vu comme devant être servi uniformément (principe d’égalité).
Cette évolution est en partie due à la libéralisation de certains secteurs qui ont offert la possibilité aux usagers de s’adresser à d’autres prestataires. Peu à peu, sous l’effet de la libéralisation, nous sommes passés d’une logique d’usager à une logique de client dans les services publics.
Il faut noter aussi l’influence exercée par la Commission européenne où cet usager devient un consommateur.

Fiscalité en faveur des services publics
C’est grâce à la fiscalité que nous payons les services publiques et qu’ils nous appartiennent. Donc nous devons faire attention aux baisses d’impôts qui induiront immanquablement une baisse ou une péjoration des services ou une péjoration des conditions de travail et de salaire des employés publics.
Les questions de la dette touchent aussi les services publics parce qu’on veut diminuer les prestations à cause du fait que la dette serait trop importante. Ce qui est important en fait ce sont les intérêts payés inutilement.

Dans les pays où un audit de la dette a été effectué, il s’est avéré que la majeur partie était une dette qui n’était pas de l’État, une dette nationalisée. L’exemple de l’Équateur est flagrant. En 2007, le président Correa a fait procéder à un audit de la dette du pays. Les conclusions ont montré que de nombreux prêts avaient été accordés en violation des règles élémentaires du droit international. En 2008, l’Équateur a donc décidé de suspendre le remboursement de titres de la dette. Il a ainsi racheté pour 900 millions de dollars des titres valant 3,2 milliards de dollars. Si l’on prend en compte les intérêts que l’Équateur ne devra pas verser, le Trésor public équatorien a économisé environ 7 milliards de dollars.

Quelques services publics en difficulté en Suisse
La Poste : en voie de privatisation. En 2013, elle deviendra une SA de droit public, dont la Confédération devrait détenir la majorité du capital. Postfinance reste aux mains de La Poste, mais sera transformée en SA de droit privé.
CFF : nous payons les infrastructures pour qu’ils privatisent le réseau ensuite. Le réseau suisse est ouvert à la concurrence depuis 1998 (en vertu de l’Ordonnance sur l’accès au réseau ferroviaire du 25 novembre 1998).
Swisscom : la confédération est l’actionnaire principal mais pas le seul. Le réseau est ouvert à la concurrence depuis longtemps.
Le financement hospitalier se fait par l’état, donc par l’impôt, et par les assurances maladies, donc par la prime. Nous allons voter sur la caisse unique.
Le secteur de l’éducation est celui qui est le plus en mains publiques, pour le moment encore. Son financement se fait : par la confédération en ce qui concerne l’enseignement supérieur, écoles polytechniques. Par les cantons pour l’enseignement primaire, secondaire, universitaire et par les communes pour ce qui touche aux bâtiments, à l’entretien, secrétariat, etc.

Cette logique mondialiste conduit à la destruction des services publics. La disparition des services publics amènerait donc la disparition de l’État et lorsque l’État disparait, se creusent les injustices. Fin d’un service égalitaire pour tous.

A Acidus, nous sommes pour la défense, la modernisation (qui n’est pas la privatisation progressive que nous connaissons) et la promotion des services publics. Nous nous réjouissons de l’extension vers de nouveaux secteurs. L’ accès aux services publics est une forme de salaire indirect mal perçue par les citoyens. Il conviendrait donc de mettre en lumière cet avantage.

Nous sommes opposés aux Partenariats Public-Privé (PPP) qui constituent une privatisation larvée. Même si en Suisse nous avons les bons exemples de fondations d’intérêt public comme Leenaards ou la Lotérie romande qui soutiennent la culture, le sport et le social. Tout près de chez nous, le Canton de Vaud prévoit de donner au futur Musée Cantonal de Beaux Arts le statut d’une fondation privée de droit public. Il s’agit bien d’une privatisation.
Nous sommes pour le retour à un seul opérateur postal et à un seul opérateur de téléphonie 100% publics. Ce qui serait intéressant est la création d’un pôle de banque et assurance 100% public. Alors que les scandales de la spéculation se multiplient, nous pensons plus que jamais qu’il faut rendre l’argent utile ! Les transports en commun devraient être payés par l’impôt.

La privatisation et l’affaiblissement des services publics constituent une évolution importante des 20 dernières années en Europe. Ces privatisations sont liées surtout aux nouvelles politiques des États. Elles ont des conséquences sociales importantes. Les idées néolibérales mettent en avant l’inefficacité des entreprises et services publics et la nécessité de réduire les dépenses publiques.

Les privatisations offrent aux entreprises privées des possibilités de profit dans des secteurs nouveaux. Les entreprises d’assurance souhaiteraient par exemple la réduction du rôle de l’État en matière de santé et de retraites. Les entreprises de service public qui sont privatisées ont des stratégies qui s’éloignent de l’intérêt public. Donc, finis les buts d’égalité et de solidarité.

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